Adieu à Philippe Avron
Philippe Avron était un ami. Un vrai ! De ceux qui vous accompagnent sur les chemins de la vie, vous apportent une vision singulière du monde, vous font une confiance absolue, vous encouragent à devenir un peu plus, et un peu mieux, ce que vous êtes…
Des premiers stages avec son équipe (Avron, Evrard, Ajoret, Trapet, Onfroy), dans les années 70, jusqu’aux tournées mémorables au Québec, en passant par New York, Bruxelles, Avignon, Charleville, Bourges, Dijon… nous avons arpenté le monde ensemble, émerveillés et heureux ! C’est qu’il avait la joie communicative le Phiphi et l’énergie, la générosité, l’attention aux autres toujours en éveil ! Les Africains disent que lorsqu’un ancien meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. La départ de Philippe, c’est un monument qui s’écroule ! Avec toutes les bibliothèques dedans. Celle de Montaigne, celle de Shakespeare, celle des poètes et des peintres qu’il aimait tant fréquenter, celle des chanteurs, des auteurs, des comédiens et des metteurs en scène qu’il admirait tant (Vilar bien sûr, Benno Besson et tant d’autres…)
Nous partagions aussi le souvenir et l’amitié du maître, Jacques Lecoq, dont il me disait un jour : « c’est lui qui m’a autorisé à devenir l’artiste que je suis. Il m’a donné le droit d’oser ! » Il a pleuré longuement au départ du maître. Moi aussi…
Nous aurons donc vécu ensemble, presque jusqu’au bout, cette fin de route théâtrale qui s’est terminée en Avignon, dans le jardin de la Chapelle Sainte-Claire qu’il aimait tant. Il voulait absolument que son « Montaigne… » y trouve sa place, devant ce public si chaleureux et si intelligent, disait-il… Il l’a fait ! Nous étions à la fois admiratif et effrayé de son audace, de sa volonté, de son courage. Mais quelle émotion en fin de spectacle, le public debout, pleurant pour une grande part… Nous pressentions que quelque chose se terminait-là, sans oser croire que c’était la vie elle-même qui allait s’achever pour lui, quelques jours plus tard. Mais voilà ! Il ne riait plus notre Phiphi, tant la douleur et l’épuisement lui pompaient l’énergie. Un Philippe qui ne rit plus… c’était donc vraiment grave !
Ah, j’oubliais l’information : Philippe Avron est décédé samedi 31 juillet à Suresnes. Non d’une « longue maladie » comme disent pudiquement et faussement les journaux, mais d’une très courte et très violente maladie, qui vous emporte sans prévenir. Nous irons demain avec lui jusqu’à Hardivilliers, dans son Vexin où il aimait se retirer pour travailler, travailler encore, travailler toujours… écrire, jouer, dessiner, peindre… « La retraite, c’est l’arthrite » disait-il ! Mieux, il avait réservé sa tombe au cimetière « près de la sortie, pour pouvoir être plus vite dehors » ! Nous regarderons encore et encore les images qu’il nous a laissées…
Adieu Philippe et, comme tu disais en guise d’encouragements : « Toï Toï ».