L’art, la culture et l’école : c’est maintenant ?

Publié le par JGC

Le texte qui suit a été proposé au Monde et à Libération, sans succès...

Les amis et lecteursde loizo en sont donc les destinataires privilégiés !culture-education.jpg

La question culturelle demeure marginale, comme souvent, dans la campagne électorale. Considéré comme un domaine mineur de la vie publique, le champ de l’art et de la culture ne fait pas l’objet d’une approche prioritaire : la crise économique et sociale emporte tout sur son passage. Et pourtant… Si l’on tend l’oreille, un peu partout, apparaît la question de l’art et de la culture à l’école, de l’éducation artistique et culturelle, désormais considérée comme une priorité des politiques publiques de la culture. Bravo ! Il aura fallu environ quarante années d’expérimentations, de colloques, de séminaires et de combats divers pour faire apparaître ce thème dans le débat public. Il faut s’en réjouir et espérer qu’enfin une volonté politique réelle se manifeste pour permettre un développement conséquent de ces activités. Mais attention ! Derrière le consensus se cachent les divergences, et comme toujours, dans les détails, le diable fait son lit. Deux orientations principales s’offrent aux décideurs.

D’une part, la conception académique traditionnelle de l’éducation aux arts par un enseignement (de musique, d’arts plastiques…) le plus adapté possible aux conditions générales de l’enseignement (programmes déterminés, temps limité, matières considérées comme secondaires…). Dans cet esprit, dont chacun garde un souvenir plus ou moins passionnant, nous avons vu apparaître récemment une matière nouvelle, « l’histoire des arts » rendue obligatoire, qui prétendait résoudre définitivement la question de l’éducation artistique. Comme si l’histoire des sports pouvait remplacer les pratiques sportives ! Précisons : il est des enseignants de matières artistiques formidables, compétents, ouverts, et des approches historiques très utiles, mais si cette voie avait apporté les résultats escomptés, au fil des générations, cela se saurait sans aucun doute !

La seconde orientation est celle de l’éducation par l’art, de l’approche pratiques des activités artistiques, à tous les âges de la scolarité, à travers des projets, des expériences, des aventures diverses et variées, menées au contact des œuvres et des artistes, permettant à chaque enfant de se forger progressivement une sensibilité critique personnelle. Bref, une culture ! Ateliers de pratique artistique, classe à projet artistique et culturel, jumelages d’établissements scolaires et culturels, parcours culturels, partenariats avec des artistes intervenants, résidences d’artistes dans les établissements scolaires… toutes ces expériences ont été menées dans notre pays, notamment depuis les années soixante dix, par des artistes et des éducateurs engagés et innovants, avec des résultats souvent surprenants, y compris sur l’attitude des enfants dans la scolarité traditionnelle qu’ils investissent avec plus de motivation, de plaisir et de réussite.

Est-ce bien de cela dont il est s’agit aujourd’hui ? Donner du temps (une demi-journée par semaine) à ces aventures, donc modifier sérieusement les rythmes scolaires ? Donner de l’espace à ces pratiques, donc construire des lieux de travail adaptés dans les établissements nouveaux ? Accorder des moyens réels pour permettre aux artistes de participer à cette éducation (1000€ par an et par classe, par exemple) ? Valoriser ce travail dans l’évaluation des élèves ? Inscrire la dimension artistique et culturelle dans toutes les formations d’enseignants (initiales et continues) et dans celles des artistes qui souhaitent y participer ? Favoriser les échanges, les rencontres, le partage d’expériences avec d’autres classes, d’autres écoles, d’autres, villes, d’autres pays ? Prolonger ces aventures dans les temps de loisirs, les vacances, l’éducation populaire ? L’éducation artistique et culturelle n’est pas seulement un élément, trop longtemps délaissé, de la démocratisation de la culture. A l’heure de la grande bataille de l’imaginaire, c’est aussi et avant tout une nécessité fondamentale d’évolution du système scolaire lui-même, vers la construction d’individus sensibles, critiques et créatifs, ces citoyens dont le siècle qui s’ouvre aura le plus grand besoin. Seule une volonté politique sans failles, au plus haut niveau, permettra une avancée décisive dans ce domaine. Mesdames et messieurs les candidat(e)s, dites-nous si vraiment, l’art, la culture et l’école : c’est maintenant ?

JG Carasso

 

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