Rencontre culturelle avec François Bayrou.
Tu as voulu du débat… !
1/ L’anecdote.
Fin janvier, un courriel d’une députée européenne UDF que je ne connais pas, me demande de participer à une rencontre autour de la culture organisée par (pour) François Bayrou. Je réponds : « pourquoi pas ? S’il s’agit de parler de l’éducation artistique et culturelle… Volontiers ! » Après tout, il y a longtemps que j’appelle un débat public sur ces questions. Qu’un candidat s’y colle, la moindre des choses est d’y participer.
Téléphones, avant-programme, confirmation… « On vous laissera trois minutes à la fin de la table-ronde » Soit ! Mon temps de parole habituel sur ce thème est plutôt de 45’ minutes, mais je ferai un effort. Une idée par minute, cela fait trois idées. On peut essayer… Et puis cela se passe au Sénat, je n’y suis jamais entré. Visite touristique en prime…
Jour J. Accueilli comme intervenant. Badge. M’installe dans la salle pour la matinée. J’écoute les deux premières table-rondes. Pause repas. Retour. Troisième table-ronde, la mienne, sur « la transmission de la culture ». « Quelques personnes s’exprimeront depuis la salle » indique l’animateur. C’est moi, je suis sur le programme ! Chacun s’exprime. Je prends des notes. Rédige un plan d’intervention très bref. Trois idées, mais fortes ! Politiques ! Fin des interventions. C’est à moi… Mais non ! L’animateur, qui fut en son temps un excellent animateur de télévision, invite le candidat à s’exprimer. Exit les derniers intervenants. Aucune explication. Aucune excuse. Ainsi va la démocratie participative, version Bayrou… On ne m’y prendra plus !
2/ Le fond du débat
Il s’agissait de faire le point sur la situation des politiques culturelles en France, de nourrir la réflexion et d’entendre le candidat sur ce sujet. Le point sur la situation fut nourri d’interventions construites de Philippe Urfalino, Bernard Latarjet, Jean-Pierre Saez : analyse des évolutions, des enjeux, des perspectives en matière de décentralisation, etc. S’ensuivit une table-ronde sur le statut de l’artiste, puis une autre sur la transmission de la culture, fortement marquée par l’intervention musclée de Robin Renucci en faveur de l’éducation artistique et de la formation des enseignants. Au terme de cette longue journée, synthèse du candidat.
Belle ouverture : « La culture ne parle pas que de culture… Elle travaille sur l’immortel, relie les morts aux vivants et les vivants à l’avenir… La culture ne se réduit pas à sa dimension marchande… Elle est du domaine de l’être, et non de l’avoir… Elle est au cœur de notre projet de civilisation… Il faut maintenant ouvrir une nouvelle étape de la politique culturelle… C’est au Président de la République lui-même de s’y impliquer, par l’organisation « d’Etats généraux de la culture »… On se dit que si la suite est du même niveau, cela risque d’être intéressant. Et non ! Patatras, voilà le réel !
« La nouvelle politique, ce seront trois axes de travail : le patrimoine, la création et la transmission. » C’est-à-dire, très exactement, les axes de travail actuels du ministère, intitulés des trois « programmes » voulus par la LOLF. Rien de neuf !
« Sur les intermittents… Il faudra faire passer la loi qui a été refusée, obliger les partenaires à renégocier, traquer les abus… mais aussi, les artistes devraient pouvoir intervenir en milieu scolaire pendant leurs périodes de chômage artistique » Quid de la volonté, du désir, de la qualification ? Plus tu chômeras, plus tu interviendras !
« L’éducation artistique, ce sera une priorité… mais pas question de promettre un engagement budgétaire conséquent. » On ne fera aucune promesse. Même pas la promesse d’en faire une véritable priorité budgétaire. La dette ! La dette ! La dette ! Mais alors, comment passer « de la parole aux actes », comme cela a été demandé avec force ?
Enfin, belle envolée sur l’importance du numérique, d’Internet et du monde nouveau qui s’ouvre devant nous avec ces petites machines à relier le monde. Juste inquiétude sur le devenir des auteurs et des interprètes, qui ne sauraient résister au « tout gratuit » qui se profile. Une intuition du candidat : « il y aura bientôt deux secteurs distincts : l’un payant, l’autre gratuit », qui s’équilibreront. A voir !
Pour finir, quatre thèmes effleurés :
- passer de la culture de masse à une culture du peuple. J’avoue ne pas avoir compris ce renouveau du « populaire »… Attendons les précisions.
- défense et illustration de la langue française ( de la francophonie et des langues de France). Mais tout cela n’existe-t-il pas déjà ? Quelles nouveautés dans ce domaine ?
- réfléchir, dans les futurs Etats Généraux de la culture ( Jack Ralite va demander des droits d’auteur !) à la nouvelle répartition des rôles entre l’Etat, les collectivités territoriales et les associations. Le « service public » appartient à tout le monde. Pourquoi pas. Toute la question est de savoir comment cela se passe ! Quelle décentralisation, quelle coopération, quel partage ? Motus !
-l’Europe, pour finir : « c’est la culture qui fait l’Europe ». Soit, mais comment ? Quoi de neuf? Pour l’instant, rien !
3/ Le commentaire
On est frappé par le fossé qui sépare la réflexion générale du candidat, souvent brillante, et la banalité des propositions détaillées. On reste sur sa faim. Manque de préparation sans doute, des équipes spécialisées.
Décidément, il ne suffit pas de « parler culture » dans la campagne. Encore faut-il avoir quelque chose à dire d’original. Cela ne s’improvise pas !
Suite au prochain colloque ?
En savoir plus
1/ L’anecdote.
Fin janvier, un courriel d’une députée européenne UDF que je ne connais pas, me demande de participer à une rencontre autour de la culture organisée par (pour) François Bayrou. Je réponds : « pourquoi pas ? S’il s’agit de parler de l’éducation artistique et culturelle… Volontiers ! » Après tout, il y a longtemps que j’appelle un débat public sur ces questions. Qu’un candidat s’y colle, la moindre des choses est d’y participer.
Téléphones, avant-programme, confirmation… « On vous laissera trois minutes à la fin de la table-ronde » Soit ! Mon temps de parole habituel sur ce thème est plutôt de 45’ minutes, mais je ferai un effort. Une idée par minute, cela fait trois idées. On peut essayer… Et puis cela se passe au Sénat, je n’y suis jamais entré. Visite touristique en prime…
Jour J. Accueilli comme intervenant. Badge. M’installe dans la salle pour la matinée. J’écoute les deux premières table-rondes. Pause repas. Retour. Troisième table-ronde, la mienne, sur « la transmission de la culture ». « Quelques personnes s’exprimeront depuis la salle » indique l’animateur. C’est moi, je suis sur le programme ! Chacun s’exprime. Je prends des notes. Rédige un plan d’intervention très bref. Trois idées, mais fortes ! Politiques ! Fin des interventions. C’est à moi… Mais non ! L’animateur, qui fut en son temps un excellent animateur de télévision, invite le candidat à s’exprimer. Exit les derniers intervenants. Aucune explication. Aucune excuse. Ainsi va la démocratie participative, version Bayrou… On ne m’y prendra plus !
2/ Le fond du débat
Il s’agissait de faire le point sur la situation des politiques culturelles en France, de nourrir la réflexion et d’entendre le candidat sur ce sujet. Le point sur la situation fut nourri d’interventions construites de Philippe Urfalino, Bernard Latarjet, Jean-Pierre Saez : analyse des évolutions, des enjeux, des perspectives en matière de décentralisation, etc. S’ensuivit une table-ronde sur le statut de l’artiste, puis une autre sur la transmission de la culture, fortement marquée par l’intervention musclée de Robin Renucci en faveur de l’éducation artistique et de la formation des enseignants. Au terme de cette longue journée, synthèse du candidat.
Belle ouverture : « La culture ne parle pas que de culture… Elle travaille sur l’immortel, relie les morts aux vivants et les vivants à l’avenir… La culture ne se réduit pas à sa dimension marchande… Elle est du domaine de l’être, et non de l’avoir… Elle est au cœur de notre projet de civilisation… Il faut maintenant ouvrir une nouvelle étape de la politique culturelle… C’est au Président de la République lui-même de s’y impliquer, par l’organisation « d’Etats généraux de la culture »… On se dit que si la suite est du même niveau, cela risque d’être intéressant. Et non ! Patatras, voilà le réel !
« La nouvelle politique, ce seront trois axes de travail : le patrimoine, la création et la transmission. » C’est-à-dire, très exactement, les axes de travail actuels du ministère, intitulés des trois « programmes » voulus par la LOLF. Rien de neuf !
« Sur les intermittents… Il faudra faire passer la loi qui a été refusée, obliger les partenaires à renégocier, traquer les abus… mais aussi, les artistes devraient pouvoir intervenir en milieu scolaire pendant leurs périodes de chômage artistique » Quid de la volonté, du désir, de la qualification ? Plus tu chômeras, plus tu interviendras !
« L’éducation artistique, ce sera une priorité… mais pas question de promettre un engagement budgétaire conséquent. » On ne fera aucune promesse. Même pas la promesse d’en faire une véritable priorité budgétaire. La dette ! La dette ! La dette ! Mais alors, comment passer « de la parole aux actes », comme cela a été demandé avec force ?
Enfin, belle envolée sur l’importance du numérique, d’Internet et du monde nouveau qui s’ouvre devant nous avec ces petites machines à relier le monde. Juste inquiétude sur le devenir des auteurs et des interprètes, qui ne sauraient résister au « tout gratuit » qui se profile. Une intuition du candidat : « il y aura bientôt deux secteurs distincts : l’un payant, l’autre gratuit », qui s’équilibreront. A voir !
Pour finir, quatre thèmes effleurés :
- passer de la culture de masse à une culture du peuple. J’avoue ne pas avoir compris ce renouveau du « populaire »… Attendons les précisions.
- défense et illustration de la langue française ( de la francophonie et des langues de France). Mais tout cela n’existe-t-il pas déjà ? Quelles nouveautés dans ce domaine ?
- réfléchir, dans les futurs Etats Généraux de la culture ( Jack Ralite va demander des droits d’auteur !) à la nouvelle répartition des rôles entre l’Etat, les collectivités territoriales et les associations. Le « service public » appartient à tout le monde. Pourquoi pas. Toute la question est de savoir comment cela se passe ! Quelle décentralisation, quelle coopération, quel partage ? Motus !
-l’Europe, pour finir : « c’est la culture qui fait l’Europe ». Soit, mais comment ? Quoi de neuf? Pour l’instant, rien !
3/ Le commentaire
On est frappé par le fossé qui sépare la réflexion générale du candidat, souvent brillante, et la banalité des propositions détaillées. On reste sur sa faim. Manque de préparation sans doute, des équipes spécialisées.
Décidément, il ne suffit pas de « parler culture » dans la campagne. Encore faut-il avoir quelque chose à dire d’original. Cela ne s’improvise pas !
Suite au prochain colloque ?
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