Un coup de gueule dans La Scène

Publié le par JGC

la-scene-68.jpg

La revue La Scène publie dans son numéro 68 de printemps, un dossier consacré à l'éducation artistique et culturelle. Outre les excellentes réflexions de mes amis Emmanuel Wallon, Marie-Christine Bordeaux et Pascal Collin, j'ai le plaisir d'y pousser un petit coup de gueule, question d'entretenir la vigueur du débat.

Suite à Toulouse, lors de Journées de la Scène qui reviendront sur ce thème, les 15 et 16 mai prochains.

 

 ITW-La-Scene-mars-2013-mini.jpg

 

«Je suis consterné par le vide de la pensée »

 Militant de l'éducation artistique et culturelle, Jean-Gabriel Carasso pose une autre conception du rapport aux œuvres et au temps dans le parcours de l'enfant.

 

 Où en est-on, 12 ans après le plan de cinq ans pour l'éducation artistique, signé par les ministres Tasca et Lang en 2000 ?

Entre le «Plan à cinq ans» et sa suppression immédiate dès l'arrivée du gouvernement suivant, ce sont deux conceptions de la place de l'art dans la société qui se sont affrontées. Car envisager le développement d'une éducation artistique et culturelle active, à partir d'une pédagogie de projet, visant à l'autonomie et au sens critique véritable des jeunes en formation relève d'une vision spécifique du monde, d'un choix et d'une orientation «politique» au sens le plus exigeant du terme. Il existe de nombreuses résistances à cette vision et la bataille est permanente pour faire approuver cette conception éducative et culturelle.

 

Quand Hollande, candidat puis président annonce qu'il va en faire une priorité des priorités, cela doit réjouir le militant de longue date que vous êtes ...

Oui, dans l'annonce évidemment. Mais je suis d'autant plus consterné par le vide abyssal de pensée qui entoure le rapport élaboré après la consultation présidée par Marie Desplechin. Les confusions sont énormes, personne ne parle de la même chose et à un raisonnement très limité on ajoute des chiffres (10 à 20% d'enfants touchés) dont le seul but est de contrer la fatalité, en disant: on va généraliser. L'objectif est légitime, mais comment mener une véritable politique massive de l'éducation artistique et culturelle sans faire de ce domaine une nouvelle «discipline» scolaire, ni un «marché» de l'intervention artistique? Dans quels espaces, quels temps, avec quels moyens? La généralisation hâtive serait aussi néfaste que l'immobilisme. La «culture du résultat» aura vite fait de tourner au syndrome de la bataille navale: «combien d'enfants touchés ... ? avant d'être définitivement coulés !» Les statistiques ne créent pas le sens.

 

 Comment aurait-il fallu prendre le sujet selon vous?

Il existe une grande diversité d'actions déjà menées, ce qui manque, c'est un pôle qui appuie les initiatives, forme les intervenants, débatte de ces questions, comme le faisait l'Injep. Aujourd'hui on nous brandit des «parcours», mais c'est quoi un parcours? C'est de projet qu'il aurait fallu parler. Et pour aller plus loin, ce rapport qui est la conclusion d'une consultation dont même les membres se sont déclarés mécontents, renvoie à des concertations régionales. On dit en gros: débrouillez-vous!

 

Qu'est ce qu'un projet d'éducation artistique ? :

 Nous avons posé avec le Collectif pour l'éducation par l'art(1) - qui n'a même pas été auditionné !-les principes d'une éducation artistique et culturelle pertinente. Elle comporte trois dimensions intimement liées. D'abord, l’expérience personnelle: faire, agir, expérimenter un langage, une forme, une expression. Rien ne peut remplacer l' engagement dans une tentative personnelle et / ou collective d' expression par le biais d'une forme artistique. Ensuite, le rapport aux œuvres : voir, entendre, recevoir, percevoir, éprouver. Enfin,  l'activité personnelle et le rapport aux œuvres ne sont rien (ou peu) en matière éducative, sans le travail indispensable de réflexion et d'appropriation (en parler, réfléchir, comparer, situer dans le temps, faire le lien avec d’autres acquis, l'histoire, la science, la philosophie ... ). Comme l'affirme Edgar Morin, il convient de viser une relation « intelligente» (« inter-ligere», c'est-à-dire «faire le lien ») au monde complexe qui nous entoure. La cohérence et la pertinence d'une éducation artistique et culturelle bien conçue appellent un équilibre et une complémentarité entre ces trois aspects. Ce dont il s'agit, c'est d'inscrire une pratique artistique pour une éducation créative, penser le plaisir et redonner le sens à tous les autres enseignements.

 

PROPOS RECUEILLI E PAR ANNE QUENTIN

 

 (1) Le Collectif pour l'éducation par l'art est à l'origine de la pétition «L'éducation artistique et culturelle, c'est maintenant ?" rédigée en octobre 2012. Elle a recueilli la signature de plus de 500 personnalités. Pourleducationartistique.overblog.com

Publié dans COUPS DE GUEULE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article