Rue 89 en parle...
Et le nouveau ministre de la culture est...
C'est de la politique qui n'espère pas être tout à fait une fiction. Cela se passe au lendemain du deuxième tour, François H. gagne les élections et nomme comme ministre de la culture ….Jean-Gabriel C.
La cohorte des non-nommés
C'est la surprise générale dans les rangs des prétendants, courtisans et autres sbires constituant la garde rapprochée en matière culturelle de l'ex candidat devenu président. Un petit cercle fébrile où l'on trouvait de tout, du meilleur au pire. :
- Martine H.,une femme qui en se maquillant tous les matins avait rêvé d'être présidente et se serait bien vue dans une autre vie occuper le ministère de la rue de Valois
- Christophe G., un agitateur de la culture parisienne qui aimerait bien s'essuyer les pieds sur le paillalsson de la rue de Valois
- Bernard M.,un ancien trotskyste reconverti dans le théâtre privé faisant du théâtre volontiers réactionnaire en gardant officiellement le cœur à gauche
- Jean-Michel R.,un directeur de théâtre parisien connu pour soi entregent et son opportunisme, par ailleurs metteur en scène à chier, et le temps d'une campagne présidentielle reconverti en chauffeur de salle de l'ex candidat devenu président
- Aurélie F.,une fille de mineurs devenue majeure et même députée
- Olivier P d'A., un frère de, ex aubryste patenté, qui vient d'effectuer un superbe rétropédalage pour accéder au cercle rapproché de François H,
- etc.
La nomination d'un oiseau rare
Et bien non. C'est Jean-Gabriel C. dont rue89 est en mesure de révéler le nom de famille : Carasso. Un oiseau rare qui dirige d'ailleurs « l'OIZeau rare », une association d'études et de recherches culturelles, auteur d'un ouvrage peu lu (par les élus et ses prédécesseurs rue de Valois) mais bien vu « Nos enfants ont-ils droit à l'art et à la culture ? » paru aux Editions de l'Attribut.
C'est chez le même éditeur que le nouveau ministre vient de faire paraître par anticipation le projet en forme de bilan de son séjour ministériel sous le titre « Quand je serai ministre de la culture… ». Un ouvrage préfacé par le meilleur ministre de la culture depuis que cette officine existe : Jack Malraux.
Tous les présidents étiquetés de gauche depuis le début de la Ve République se prénommant François (c'est une dynastie), c'est le désormais François II qui a donc nommé Jean-Gabriel C. au poste de « ministre en charge de la culture, de la jeunesse et de l'éducation durable ».
L'ouvrage du ministre, conçu de façon très originale, consiste à réunir ses lettres (au président, aux autres ministres), ses discours (congrès, inaugurations, nominations), ses interventions à l'assemblée en non-réponse aux questions posées par l'opposition. Autant de formes obligées qui ont pour vertu de préserver l'authenticité des propos de leur impeccable langue de bois, dite langue ministérielle, que chaque nouveau ministre parle spontanément, ce qui n'empêche pas quelques idées d'émerger dans le fatras.
Discours habituels et mesures inattendues
Le premier geste du nouveau ministre est de se fendre de la traditionnelle missive au Président de la République pour le remercier de l'avoir choisi et de dire sa fierté de participer à l'avènement d'une « République nouvelle solidaire et poétique ».
Le second geste, c'est de nommer des amis, des copains, aux postes de conseillers, en cela il semble marcher sur les pas de son prédécesseur, quoi qu'il en dise. Ainsi, pour n'en citer qu'un, Philipe M (érieux) devient conseiller spécial jeunesse et éducation durable, les spécialistes du dossier éducation apprécieront.
Mesure phare et spectaculaire, le ministère de la culture est délocalisé en banlieue parisienne, place Gramsci à Bobigny, dans un espace qui ne se veut pas hiératique mais « convivial ».
Autre mesure phare et spectaculaire : le théâtre du Rond-Point en bas des Champs Elysées devient le « Rond-Point des enfances », l'actuel directeur étant prié d'emporter son dynamisme médiatique à la maison des arts de Gorges-les-Gonesse où il devra réfléchir à la mise en place d'une « fabrique expérimentale des écritures de demain “. Autrement dit, il devra rédiger un rapport, fruit de longs mois d'enquête, dont l'élévation de la rémunération sera proportionnelle à la hauteur de l'étagère où le dit-rapport sera instantanément oublié (ces derniers éléments ne sont pas dans l'ouvrage mais ils en découlent de source).
L'avenir de la culture est dans les enfants
Les enfants, c'est la clef de voute du nouveau ministre. Je vous renvoie à l'ouvrage cité plus haut écrit par icelui. Cet ouvrage, actuellement en réimpression (aux frais du ministère ?), sera offert à toutes les classes de première et collège, à raison d'un par classe. Chaque lecteur pourra faire ses commentaires et apporter d'autres idées en laissant un message sur la boite de contact d'un site Internet créé à cet effet (là encore, on extrapole, mais le ministre nous y invite).
Tout feu tout enflammé, le ministre envisage une foultitude de mesures dans les écoles allant de ‘résidences d'artistes dans les établissements scolaires’ à la réalisation par les élèves de ‘ projets ’ artistiques auxquels une demi-journée par semaine sera consacrée, ‘ de la maternelle à l'université ’.
Le numérique, ‘ l'éducation par l'image ’ sont d'autres points forts du ministre dont on se demande s'il n'est pas tout autant le ministre de l'éducation, d'ailleurs l'un des chapitres du livre a pour titre ‘ art, culture et éducation ’.
La valse très dansante des nominations
Cependant le nouveau ministre ne semble pas échapper à la politique olé-olé des nominations qui avait entaché d'encre noire indélébile le parcours déjà obscur de son prédécesseur. Si le nouveau ministre n'en passe plus par les copinages et les foucades du couple élyséen comme avant, il désigne clairement
- ceux qu'il adore, ainsi un beau discours accompagne la grande cérémonie de remise d'une ‘ médaille collective ’ pour les 50 ans du Théâtre du Soleil
- ceux qu‘il décore de la HMCR ( (Haut Mérite de la Culture Républicaine) en remplacemant de la dévaluée Légion d'honneur dont pouvaient s'honorer ceux qui la refusaient (liste trop longue, je vous renvoie à l'ouvrage)
- ceux qu'il a dans le collimateur : Olivier P. (y) ne sera pas reconduit à l'issue de son premier mandat au festival d'Avignon, le ministre souhaitant des nominations désormais collégiales
- ceux qu'ils voient cependant nommés avec un tel plaisir qu'il semble ne pas être étranger au choix de la personne :
-Edwy P. (leynel) nommé dans la plus stricte indépendance ’ par la CIA (Commission Indépendante de l'Audiovisuel) à la tête de France-Télévision, le ministre saluant au passage le départ à la retraite de Michel D.(rucker)
-Martin H. (que l'on ne présente plus) parrainant un ‘ service civique culturel ’
-Thierry P. (ariente), actuel directeur d'une école nationale de théâtre à Lyon et ex fonctionnaire du ministère de la culture, nommé (sans concertation aucune cette fois) au futur fumeux ‘ Centre National des arts de la scène et de la promotion des jeunes talents ’ en remplaçant de l'actuel et non moins fumeux Centre national du théâtre
Autant de nominations qui ne seront pas sans susciter d'âpres et âcres commentaires lesquels tourneront court car le ministre termine son ouvrage dans une jolie pirouette en donnant à lire par avance sa lettre de démission. Et en rendant publique sa déclaration de passation de pouvoir à son successeur prononcée dans le grand salon du minstère, rue Gramsci à Bobigny (ex rue de Valois à Paris), successeur dont l'embargo en vigueur à l'heure où j'écris ces lignes m'oblige à taire le nom.
Editions de l'Attribut, 176 p, 14,50€