Pratiques culturelles et éducation
Vient de paraître l’enquête désormais régulière sur « Les pratiques culturelles des Français », version 2008, sous la direction d’Olivier Donnat au ministère de la culture. On y découvre notamment, mais l’on pouvait s’en douter, qu’Internet prend une place toujours plus influente dans les ménages, que la télévision stagne, que la radio régresse, que la lecture souffre et que le spectacle vivant résiste assez bien. On trouvera ici la synthèse de ces travaux.
Je voudrais revenir sur l’argument, désormais incontournable, proposé à la fois par les rédacteurs de l’étude et par de nombreux commentateurs, à savoir « la démocratisation est un échec ; hors de l’éducation, point de salut ». Tous affirment que seule une politique éducative pourrait modifier de manière radicale le déterminisme qui pèse sur les pratiques culturelles et former, dès le plus jeune âge, des « praticiens » (on dira des « consommateurs ») de culture. Soit ! Deux observations.
Je récuse, d’une part, l’idée que la « démocratisation » culturelle serait un échec absolu. Les politiques et les actions menées depuis une cinquantaine d’années ont évidemment atteint une limite, notamment dans le champ des institutions culturelles et de leurs publics, mais prétendre à l’échec absolu est une contre vérité et une injustice. Il faudrait s’attarder longuement, en fait, sur l’adéquation de ces politiques avec la montée des classes moyennes pendant les « 30 glorieuses », et s’interroger sur leurs difficultés à s’adapter aux transformations sociales et culturelles nées des crises économiques, sociales, urbaines et technologiques qui sont advenues depuis.
Par ailleurs, pour ce qui concerne la solution miracle de l’éducation, il faudrait relativiser ces propos car en vérité… personne n’en sait rien. Sans doute, une bonne éducation « culturelle » serait-elle favorable à une approche plus large de certaines pratiques culturelles, de nombreux exemples nous le démontrent, mais qu’en est-il des déterminismes sociaux, des conditions de travail, de logement, de chômage, de l’imaginaire social et familial ? De quelle éducation culturelle parle-t-on ? A-t-on quelques éléments statistiques valables pour affirmer ce qui semble une évidence… mais ne l’est pas forcément ?
Il me semble que les commentateurs se précipitent dans cette affirmation sans en percevoir les contradictions. La réalité est bien plus complexe. De plus, rappelons que le combat que nous avons mené - et que nous poursuivons - pour un développement des pratiques d’éducation artistique et culturelle à l’école, ne saurait se résumer à la formation de consommateurs de culture, mais qu’il s’agit d’un projet éducatif beaucoup plus large et plus profond, de développement et de construction des individus. Gardons nous des slogans trop rapides !