Lisbonne : le procès du théâtre ?

Publié le par JGC

Vient de me parvenir cette information concernant un procès d'un autre âge, fait notamment à mon ami Carlos Fragateiro, militant du théâtre et de l'éducation, ex directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne. Information confirmée de vive voix, à faire connaître...Image-5.jpg

 

L’auteur Margarida Santos Fonseca, l’homme de théâtre Carlos Fragateiro et le scénographe José Manuel Castanheira (tous deux anciens directeurs du Théâtre National Dona Maria II à Lisbonne au Portugal)  sont accusés par les neveux de Fernando Silva Pais (1905-1981) de diffamation et d'insulte à la mémoire du défunt. La plainte a été déposée en 2008 par Carlos Alberto Silva qui demeure à Zurich, et Berta Maria Pais Ribeiro da Silva Mano qui vit au Portugal, suite à un spectacle créé au Théâtre National Dona Maria II en 2007, A Filha Rebelde (Une Fille rebelle). Le ministère public ne soutient pas l’accusation. Le procès a débuté le 3 mai 2011 à Lisbonne dans l’indifférence générale. Il a repris le 7 juin.
 
Fernando Silva Pais a été le dernier directeur de la PIDE (Polícia Internacional e de Defesa do Estado) devenue en 1969 avec Marcelo Caetano la DGS (Direcção Geral de Segurança). La PIDE était sous Salazar (1889-1970) puis sous Caetano la police politique qui a persécuté, torturé et tué de nombreux opposants au régime. Lors de la Révolution des Oeillets en 1974, le quartier général de la PIDE-DGS fut l’un des derniers points de résistance de l’ancien régime. Fernando Silva Pais est mort en 1981, 6 mois avant l’achèvement d’un procès devant le Tribunal militaire de Lisbonne, où il a été accusé d’être notamment coresponsable sur le plan moral de l’assassinat prémédité dans un piège monté par la PIDE en Espagne en 1965 du général Humberto Delgado, opposant de Salazar.


José Pedro Castanheira et Valdemar Cruz, journalistes à Expresso, ont écrit en 2002 un ouvrage d’investigation consacré à la fille unique de Fernando Silva Pais, A Filha Rebelde (Une Fille rebelle). Rebelle à l’idéologie de son père, Annie Silva Pais a quitté en 1965 son mari (qui était l’ambassadeur suisse à la Havane), sa famille et ses amis pour devenir un protagoniste de la révolution cubaine dirigée par Fidel Castro et Ernesto Che Guevara. Notamment l’histoire dit qu’Annie Silva Pais a fait connaissance avec Che Guevara dans un bal, où ils ont dansé ensemble, scène qui a inspiré l’atmosphère générale du spectacle...
C’est l’écrivain Margarida Santos Fonseca (née en 1960) qui a écrit une adaptation de cet ouvrage d’investigation pour le Théâtre national. Le spectacle A Filha Rebelde a été mis en scène en 2007 par la metteuse en scène espagnole Helena Pimenta, avec l'actrice Ana Brandao, dans le rôle d'Annie Silva Pais. Un court passage de ce spectacle évoque la responsabilité de Fernando Silva Pais dans  la mort de Delgado en 1965. C’est ce passage qui est incriminé par la famille qui fait valoir que Silva Pais n’a pas été condamné pour ce crime. La famille veut aussi obtenir une condamnation criminelle de plusieurs passages du texte, celui notamment où Annie en parlant avec ses amies à Cuba dit que son père est le chef d’une police terrible qui peut torturer et tuer les gens seulement en raison de ce qu’ils pensent...
 
Alors que l’ouvrage était sorti en 2002 sans qu’aucune plainte ne soit déposée, le spectacle en 2007 a entraîné la plainte de la famille. Le théâtre est donc visé.
 
Au-delà de l’atteinte à la création artistique et à la liberté d’expression, qui sont mis en cause de façon inacceptable, ce procès relève d'une tentative de blanchir l'image de celui qui fut le chef de la PIDE à une sinistre période de l’histoire portugaise.

 

Le théâtre assis au banc des accusés!
 
« Les yeux d’Helena Pimenta, aujourd'hui directrice de la Compañía Nacional de Teatro Clásico (CNTC) en Espagne, brillaient d'excitation quand, à Madrid, je lui ai demandé de mettre en scène La Fille Rebelle. Je me souviens de son enthousiasme à l’idée de pouvoir parler des atmosphères de Cuba, du Portugal de Salazar et de la Révolution du 25 avril, pacifique et tolérante.
Nous avons rapidement trouvé ensemble la métaphore d'une ancienne salle de bal, lieu dans lequel Annie Silva Pais a rencontré Che Guevara.
Les 33 scènes qui composent le spectacle ont été faites et scandées dans une chorégraphie permanente accompagnée par un orchestre cubain avec  des acteurs tels que Vitor Norte interprétant le rôle de Silva Pais, Lidia Franco pour celui d’Armanda Silva Pais, Ana Brandão pour celui Annie Silva Pais ou Rui Quintas dans le rôle de Che Guevara, qui ont dansé tous ensemble.
Je croyais à un délire quand m’est parvenue l’annonce d'une procédure criminelle. J'ai appelé le journaliste José Pedro Castanheira qui m’a confirmé cette information. Ainsi depuis le 3 mai 2011 nous nous sommes trouvés  là devant la cour de justice. Le théâtre assis au banc des accusés!
La plainte est fondée sur certains mots et expressions du texte à propos de Ferdinando Silva Pais (directeur de la PIDE), passages qui auraient dû être censurés selon la volonté des plaignants.
Je n’ai pas encore réalisé ce qui doit être jugé, si c’est le texte, le spectacle ou l'histoire.
Ce matin-là du 3 mai 2011, j’avais rêvé qui je trouverai à la porte du tribunal une grand agitation et une grande indignation. Mais non. Seuls certains collègues et amis sont venus. Deux journalistes. Une journée normale, banale! Et l'interrogatoire s’est poursuivi pendant six heures. Le procès a continué le 12 et le 27 mai,  et va se poursuivre le 1er et le 7 Juin. Comme si de rien n’était…
La censure et la peur sont quelques-unes des racines de la longue dictature au Portugal. Tant d'années. Et ce fut ainsi, comme un virus infectant les générations successives, dont on peut toujours sentir la présence.
Mais, comme ce procès, rien de tout cela ne semble susciter un quelconque intérêt. Presque tout le monde est occupé ou diverti par la télévision, les élections, le FMI ...Toutes choses importantes ... cela semble clair.
Et la liberté d'expression?! Qui s'en soucie? »
José-Manuel Castanheira
 
Prière de relayer cette information de manifester votre soutien aux accusés.

 
Pour protester contre ce procès et soutenir Margarida Santos Fonseca, Carlos Fragateiro et José Manuel Castanheira, écrire aux destinataires suivants :
 
1.
Ministra da Cultura de Portugal
Dra Gabriela Canavilhas
Ministério da Cultura
Palácio Nacional da Ajuda
1349-021 Lisboa (Portugal)
Tel.: 213 614 500          
Fax: 213 649 872
gmc@mc.gov.pt
 
2.
Presidente da Repúblia Portuguesa
Dr Anibal Cavaco Silva
Palácio de Belém
Calçada da Ajuda, nº 11
1349-022  Lisboa (Portugal)
mail no site http://www.presidencia.pt/?action=3
 
3.
Presidente da Assembleia da República
Dr Jaime Gama
Palácio de S. Bento
1249-068  LISBOA
 
Telefones : 213919267/8/9
Fax : 213917434/26
Mail no site http://www.parlamento.pt/sites/PAR/PARXLEGA/Contacto/Paginas/default.aspx
 
4.
Bastonario da Ordem dos Advogados
Dr Antonio Marinho e Pinto
Largo de São Domingos, 14 - 1º
1169-60              LISBOA
1169-61             
Telefone:  218823550            
Fax:  218862403
cons.geral@cg.oa.pt
              
5.
Presidente da Sociedade Portuguesa de Autores
Dr Jose Jorge Letria
Avenida Duque de Loulé, 31
1069 - 153  Lisboa
geral@spautores.pt

Publié dans COUPS DE GUEULE

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J
<br /> <br /> Comment peut-on réagir collectivement ? cela paraît une attaque contre le travail de création, donc un recul.<br /> Jean-Claude Lallias <br /> <br /> <br /> <br />
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