Le théâtre « jeunes publics » à l’heure de la mondialisation

Publié le par JGC

TEJ Emile

Deux journées de rencontre francophone autour du Théâtre « jeunes publics » viennent de se tenir à Paris, à l’initiative du Centre Wallonie Bruxelles, rassemblant une trentaine d’artistes, de médiateurs, de diffuseurs investis dans ces activités en Belgique, au Québec, en France et au Canada. C’est Emile Lansman, « entremetteur en scène » qui officiait à l’organisation et à l’animation. Au terme de ces journées, quelques éléments de réflexion…

 

D’abord constater que ce que l’on nomme « théâtre jeunes publics », ce mouvement international au carrefour des objectifs artistiques et éducatifs, connaît actuellement une nouvelle jeunesse et une mobilisation bienvenue. Dans les trois pays concernés, des organisations se mettent en mouvement pour définir et formuler les objectifs, les revendications du secteur. En France, « Scènes d’enfances et d’ailleurs » a publié un « Manifeste » et 40 propositions. Une « Belle saison » se prépare pour 2014/2015… Au Québec, un texte de même nature a été rendu public « Vers une politique du théâtre professionnel pour les jeunes publics », et la Belgique s’apprête à produire à son tour un document sur ce sujet.

Pour qui a suivi l’évolution de ce thème depuis quelques décennies, il est frappant de constater la permanence des questions posées et des revendications : un souci de définition (théâtre « pour » les enfants, la jeunesse, les jeunes spectateurs, le jeune public…), une meilleure reconnaissance, des crédits adaptés, une diffusion spécifique, un refus d’instrumentalisation trop poussée par la dimension scolaire en même temps qu’un appel à l’école… Au fond, ces questions - et quelques autres - me semblent constitutives du champ concerné. C’est parce qu’elles se posent à tous que ce travail trouve un intérêt particulier et renouvelé de génération en génération. Si des réponses définitives étaient apportées à ces interrogations, alors, me semble-t-il, ce travail n’aurait plus guère d’intérêt.

 

La demande d’une « politique » se fait vive, encore une fois, espérant des pouvoirs publics un engagement plus évident sur ces sujets. Cela tourne beaucoup autour des « moyens » revendiqués, c’est-à-dire de l’argent consacré (ou non) à ce type de théâtre. Or, je crois utile de préciser qu’une « politique » ne se résume pas aux crédits consacrés (même s’ils sont indispensables), mais qu’un ensemble de mesures est souhaitable : une action de formation, une aide à la recherche, des conditions de créations plus adaptées, des aides à la diffusion, à l’évaluation, aux échanges internationaux… Ceci du côté de la production et de la création, mais il faut aussi s’attacher à la politique dite « de la demande », à savoir l’éducation artistique et culturelle au sein et autour de l’école, la présence dans les médias, etc… Plus précisément encore, l’affirmation d’une politique « durable » passe sans doute par la question complexe de « l’institution », c’est-à-dire de l’outil de travail qui dépasse les individus et les projets pour inscrire une action dans la durée. Ce fut le cas des CDNEJ (Centres dramatiques nationaux pour l’enfance et la jeunesse) trop rapidement liquidés en France, c’est le cas de la Maison Théâtre à Montréal ou de la Montagne Magique à Bruxelles. Ce sera le cas de la Minoterie à Dijon qui verra le jour très bientôt. Imagine-t-on une politique du sport qui se passerait de clubs et de stades ou de piscines ?

 

Face aux difficultés rencontrées, chacun cherche malgré tout les chemins pour avancer. Parmi les pistes proposées, deux éléments retiennent l’attention : la mutualisation et la territorialisation. Partout, la piste du partage des outils, de la mise en commun des moyens, de la mutualisation de l’action ouvre des perspectives nouvelles. « L’union fait la force »

Par ailleurs, le travail centré sur un territoire géographique ou social déterminé, en lien avec toutes les forces susceptibles d’y contribuer (parents, enseignants, médiateurs, politiques…) est évoqué comme une nécessité. Ces deux éléments me paraissent refléter plus largement les enjeux d’une action artistique et culturelle rénovée, bien au-delà du seul domaine des « jeunes publics ». La mise en commun des outils est la seule réponse possible au développement exponentiel des pratiques et des projets, et la territorialisation - ce que nous appelons désormais avec quelques amis « l’infusion culturelle » pour la distinguer de la seule « diffusion » - s’impose à l’évidence comme un élément indispensable pour justifier socialement, voire politiquement, un travail avec des populations jeunes ou moins jeunes.

 

Au-delà du « jeune public », voire de l’action culturelle en général, c’est au fond l’ensemble de la société qui se trouve interpellée aujourd’hui par ces deux questions essentielles : comment sortir du cercle vicié de la concurrence et de la mondialisation marchande ? Par un projet de coopération et d’encrage territorial et social. Les réflexions du philosophe Bernard Steigler nous sont particulièrement utiles sur ces sujets.

 

Merci donc à la Belgique d’avoir invité à Paris la France et le Québec ! Le théâtre « jeunes publics » est à l’heure de la mondialisation… A suivre, à Montréal ou Bruxelles ?

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