Avignon : pas de nomination sans débat
Le texte ci-dessous est publié ce mardi 5 juillet dans Libération (page Rebonds) Une grêve de la distribution limitera sa lecture. Merci donc de faire suivre largement...
Le 65e Festival d'Avignon s'ouvrira prochainement dans un profond malaise, né des conditions dans lesquelles le futur directeur a été désigné par le ministre de la culture. Soyons clairs : Olivier Py, par son travail d’artiste et son engagement, mérite évidemment de pouvoir être candidat à la direction du Festival d’Avignon. Mais voilà ! D'évaluation, de réflexion, d'analyse du travail accompli par l'équipe en place, il n'est absolument pas question. Moins encore d’observation du contexte artistique et culturel du moment, ni d'une projection à cinq ou dix ans sur ce que devrait devenir le Festival. Sur un coup de tête ministériel, Olivier Py a été débarqué de l'Odéon, sur un autre coup de tête - envers de la même médaille - il fut désigné pour Avignon. C'est ce que l'on appelle "l'autorité de l'Etat !" : circulez, il n'y a plus rien à voir ! Et que la fête commence !
La fête, vraiment ?
Avignon est une aventure humaine collective hors du commun.
Avignon est un événement artistique et culturel qui appartient autant à son public, aux nombreux partenaires qui s'y investissent (associations, mouvements éducatifs, collectivités...) qu'aux artistes invités et aux professionnels qui y travaillent.
Avignon appartient surtout à son histoire, à son éthique, faisant de ce festival, depuis sa création par Jean Vilar, le phare symbolique d'une certaine idée du théâtre public et de la place de cet art dans le processus démocratique auquel nous aspirons.
Avignon est enfin le lieu-même du débat public sur les relations entre la culture et la démocratie.
Dès lors, sauf à trahir l'esprit même du Festival, la désignation d'une nouvelle direction appelle une "démocratie exemplaire", c’est-à-dire un processus cohérent et responsable de réflexion sur les enjeux et, seulement après, le choix de la (ou des) personnes susceptibles de répondre aux attentes à travers leur propre projet. Bref, un débat démocratique !
Rien de tout cela dans la décision à la hussarde adoptée en réponse à une panique née des réactions médiatico-politiques à l'éviction du directeur de l'Odéon.
Ce n'est plus une nomination, c'est un hold-up ! Le débat public est confisqué !
Ceci démontre le manque total de respect du ministre pour ce qu’est ce Festival, pour ce quʼil représente dans lʼhistoire culturelle du pays et surtout pour son public, fidèle, dont nous faisons partie depuis de nombreuses années.
Nous appelons les spectateurs, les partenaires, les artistes et le conseil d'administration, chargé de veiller aux destinées du Festival, à exiger un vrai débat public sur l’avenir du Festival. Pour notre part, nous sommes prêts à y participer.
Lucile Bodson
Jean-Gabriel Carasso
François Deschamps
Jean-Claude Lallias
Emile Lansman
Philippe Meirieu