Attention la tension !
Bien sur, je pourrais parler de ce recteur « karchérisé » à Lyon pour s’être opposé à la création du lycée musulman qu’il considère comme un cheval de Troie intégriste… Il s’était déjà fait remarqué par sa fermeté en prenant une part active dans les poursuites disciplinaires contre Bruno Gollnisch, suite à ses propos sur les chambres à gaz en 2004. Au placard ! Il est remplacé par Roland Debasch, actuel Directeur des enseignements scolaires que j’ai eu l’occasion d’entendre deux fois ces derniers mois sur la question de l’éducation artistique. Plus langue de bois, impossible. A pleurer !
J’aurais pu parler aussi de cette très belle lettre de François Léotard publiée dans Le Monde sur «maurice, jean et raymond » (Papon, Moulin et Barre) à propos des élucubrations de ce dernier sur le « lobby juif » et la défense du « fonctionnaire qui fonctionne ». Beau papier !
J’aurais pu parler également, en écho à ces précédentes informations, de cette exemplaire mobilisation des habitants de Monfort-sur-Meu (Ille et Vilaine) qui se battent pour que leur soient rendus les 28 maliens sans-papiers qui travaillaient et vivaient avec eux depuis cinq ans, sans que leur identité nationale ne se trouve en rien menacée… Bravo !
J’aurais pu parler, plus légèrement, de ma conférence hier à Bordeaux devant des enseignants et des professionnels du cinéma, sur « les enjeux politiques de l’éducation artistique ». Dernière intervention du public, une enseignante se lève : « Pour une fois, j’ai tout compris. On devrait vous nommer ministre de l’éducation artistique et culturelle ». Ça fait toujours plaisir !
Mais je préfère vous signaler ce très bel article de Philippe Meirieu dans Le Monde de ce soir : «L'école face à la barbarie consommatrice » Extraits.
Je ne peux m’empêcher d’entendre derrière ces propos pédagogiques, l'écho de certains débats actuels du champ (chant) politique, qui font de la somme des demandes immédiates de toutes catégories et de la sommation à répondre dans le détail et l’immédiateté à chacune, un modèle largement infantile de notre sphère médiatico-politique !
Retrouvez Philippe Meirieu, sur son site.
J’aurais pu parler aussi de cette très belle lettre de François Léotard publiée dans Le Monde sur «maurice, jean et raymond » (Papon, Moulin et Barre) à propos des élucubrations de ce dernier sur le « lobby juif » et la défense du « fonctionnaire qui fonctionne ». Beau papier !
J’aurais pu parler également, en écho à ces précédentes informations, de cette exemplaire mobilisation des habitants de Monfort-sur-Meu (Ille et Vilaine) qui se battent pour que leur soient rendus les 28 maliens sans-papiers qui travaillaient et vivaient avec eux depuis cinq ans, sans que leur identité nationale ne se trouve en rien menacée… Bravo !
J’aurais pu parler, plus légèrement, de ma conférence hier à Bordeaux devant des enseignants et des professionnels du cinéma, sur « les enjeux politiques de l’éducation artistique ». Dernière intervention du public, une enseignante se lève : « Pour une fois, j’ai tout compris. On devrait vous nommer ministre de l’éducation artistique et culturelle ». Ça fait toujours plaisir !
Mais je préfère vous signaler ce très bel article de Philippe Meirieu dans Le Monde de ce soir : «L'école face à la barbarie consommatrice » Extraits.
... Réjouissons-nous que la campagne électorale fasse une place aux problèmes scolaires.
Pour autant, nous n'en sommes pas quittes. Le symptôme est là qui insiste et bégaye : inquiétudes sur la baisse de niveau, interrogations sur l'autorité, polémiques sur les responsabilités réciproques des professeurs et des parents, épouvante devant des actes de violence qui échappent à l'entendement. C'est que la question scolaire ne peut être pensée indépendamment de l'organisation même de notre société et, plus précisément, du statut que cette société donne à l'enfance.
Nous sommes face à un phénomène complètement inédit : le caprice, qui n'était qu'une étape du développement individuel de l'enfant, est devenu le principe organisateur de notre développement collectif. (…)
On ne sort pas de l'infantile tout seul : on a besoin de s'inscrire dans des configurations sociales qui donnent sens à l'attente et permettent d'entrevoir, dans les frustrations inévitables, des promesses de satisfactions futures. Affaire jamais bouclée : l'infantile nous talonne dans la maturité et la tentation reste grande, à tous les âges de la vie, d'abolir l'altérité pour se réinstaller, ne serait-ce qu'un moment, sur le trône du tyran.
Aujourd'hui, la machinerie sociale tout entière, loin de fournir des points d'appui à l'enfant pour se dégager de l'infantile, répercute à l'infini le principe dont l'éducation doit justement lui apprendre à se dégager : "Tes pulsions sont des ordres." (…)
Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, qu'il soit devenu plus difficile d'éduquer aujourd'hui : (…) les professeurs constatent, au quotidien, la difficulté de construire des espaces de travail effectif, de permettre la concentration, de former à la maîtrise de soi et à l'investissement dans une tâche. (…) La préoccupation principale des enseignants - ce qui les épuise aujourd'hui - est de faire baisser la tension pour favoriser l'attention. Et le malaise est là : moins dans le niveau qui baisse que dans la tension qui monte.
(…) parce que la crise de l'école renvoie à des enjeux fondamentaux, on n'y mettra pas un terme par des mesures techniques circonscrites. C'est la crise de l'éducation qu'il faut traiter, en posant des questions qui restent encore très largement occultées : peut-on continuer à considérer l'enfant comme un prescripteur d'achat, un public captif pour la publicité ? Ne faut-il pas prendre au sérieux, enfin, la question des médias - et, en particulier, de l'audiovisuel - en faisant valoir que leur liberté d'expression s'exerce dans une démocratie et doit s'accompagner d'un devoir d'éducation ? Ne faut-il pas repenser la gestion du temps de l'enfance en relâchant, au moins partiellement, la pression évaluative ? Ne faut-il mettre en place une relance de l'éducation populaire pour faire pièce à la frénésie consommatrice en matière de loisirs et de culture ? Ne faut-il pas, enfin, faire du soutien à la parentalité une priorité politique, en cessant de considérer les parents en difficulté comme des délinquants ou des malades mentaux ?
Bien sûr, l'école devra prendre sa place dans ces dispositifs : en s'interrogeant sur la manière de lutter contre les coagulations d'élèves qui tiennent aujourd'hui lieu de "classes"..., en structurant des groupes de travail exigeants où chacun ait une place et ne soit pas tenté de prendre toute la place..., en articulant une pédagogie de la découverte, qui donne sens aux savoirs, et une pédagogie de la formalisation rigoureuse, qui permette de se les approprier..., en développant une véritable éducation artistique, physique et sportive qui aide chacun à passer de la gesticulation au geste..., en vectorisant le temps scolaire par une "pédagogie du chef-d'oeuvre", pour que chacun puisse s'inscrire dans un projet et cesse d'exiger tout, tout de suite, tout le temps. (…)
Pour autant, nous n'en sommes pas quittes. Le symptôme est là qui insiste et bégaye : inquiétudes sur la baisse de niveau, interrogations sur l'autorité, polémiques sur les responsabilités réciproques des professeurs et des parents, épouvante devant des actes de violence qui échappent à l'entendement. C'est que la question scolaire ne peut être pensée indépendamment de l'organisation même de notre société et, plus précisément, du statut que cette société donne à l'enfance.
Nous sommes face à un phénomène complètement inédit : le caprice, qui n'était qu'une étape du développement individuel de l'enfant, est devenu le principe organisateur de notre développement collectif. (…)
On ne sort pas de l'infantile tout seul : on a besoin de s'inscrire dans des configurations sociales qui donnent sens à l'attente et permettent d'entrevoir, dans les frustrations inévitables, des promesses de satisfactions futures. Affaire jamais bouclée : l'infantile nous talonne dans la maturité et la tentation reste grande, à tous les âges de la vie, d'abolir l'altérité pour se réinstaller, ne serait-ce qu'un moment, sur le trône du tyran.
Aujourd'hui, la machinerie sociale tout entière, loin de fournir des points d'appui à l'enfant pour se dégager de l'infantile, répercute à l'infini le principe dont l'éducation doit justement lui apprendre à se dégager : "Tes pulsions sont des ordres." (…)
Il ne faut pas s'étonner, dans ces conditions, qu'il soit devenu plus difficile d'éduquer aujourd'hui : (…) les professeurs constatent, au quotidien, la difficulté de construire des espaces de travail effectif, de permettre la concentration, de former à la maîtrise de soi et à l'investissement dans une tâche. (…) La préoccupation principale des enseignants - ce qui les épuise aujourd'hui - est de faire baisser la tension pour favoriser l'attention. Et le malaise est là : moins dans le niveau qui baisse que dans la tension qui monte.
(…) parce que la crise de l'école renvoie à des enjeux fondamentaux, on n'y mettra pas un terme par des mesures techniques circonscrites. C'est la crise de l'éducation qu'il faut traiter, en posant des questions qui restent encore très largement occultées : peut-on continuer à considérer l'enfant comme un prescripteur d'achat, un public captif pour la publicité ? Ne faut-il pas prendre au sérieux, enfin, la question des médias - et, en particulier, de l'audiovisuel - en faisant valoir que leur liberté d'expression s'exerce dans une démocratie et doit s'accompagner d'un devoir d'éducation ? Ne faut-il pas repenser la gestion du temps de l'enfance en relâchant, au moins partiellement, la pression évaluative ? Ne faut-il mettre en place une relance de l'éducation populaire pour faire pièce à la frénésie consommatrice en matière de loisirs et de culture ? Ne faut-il pas, enfin, faire du soutien à la parentalité une priorité politique, en cessant de considérer les parents en difficulté comme des délinquants ou des malades mentaux ?
Bien sûr, l'école devra prendre sa place dans ces dispositifs : en s'interrogeant sur la manière de lutter contre les coagulations d'élèves qui tiennent aujourd'hui lieu de "classes"..., en structurant des groupes de travail exigeants où chacun ait une place et ne soit pas tenté de prendre toute la place..., en articulant une pédagogie de la découverte, qui donne sens aux savoirs, et une pédagogie de la formalisation rigoureuse, qui permette de se les approprier..., en développant une véritable éducation artistique, physique et sportive qui aide chacun à passer de la gesticulation au geste..., en vectorisant le temps scolaire par une "pédagogie du chef-d'oeuvre", pour que chacun puisse s'inscrire dans un projet et cesse d'exiger tout, tout de suite, tout le temps. (…)
Je ne peux m’empêcher d’entendre derrière ces propos pédagogiques, l'écho de certains débats actuels du champ (chant) politique, qui font de la somme des demandes immédiates de toutes catégories et de la sommation à répondre dans le détail et l’immédiateté à chacune, un modèle largement infantile de notre sphère médiatico-politique !
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