Lettre ouverte au Candidat(e) sur la Culture

Publié le par JGC


Monsieur (madame) le(la) Candidat(e),
Nous ne nous connaissons pas, ne nous sommes jamais rencontrés et ne nous rencontrerons probablement jamais. Cependant, vous sollicitez mon suffrage pour la plus haute charge de l’Etat et m’avez, pour cela, invité à participer au débat démocratique sur la culture.
Si j’avais  trois minutes la parole sur ce sujet, voici en résumé ce que je vous aurais dit.

1/ « La culture, c’est plus que la culture… » Dans un monde en proie aux mutations anthropologiques phénoménales que nous connaissons, aux doutes sur les identités individuelles et collectives, aux révolutions technologiques, aux bouleversements idéologiques, à la mondialisation des échanges et à la bataille féroce pour la conquête de l’imaginaire qui l’accompagne, la question culturelle va bien au-delà d’un simple « domaine » de l’action publique. C’est une question essentielle de civilisation, c’est-à-dire du mode de vie que nous entendons conserver, adopter et léguer aux générations futures.

2/En ce sens, la question culturelle est intimement liée à celle de l’éducation. La question culturelle, c’est : « qu’est-ce qu’on partage ? » La question éducative c’est : « qu’est-ce qu’on transmet ». Ces deux questions fondent l’urgente nécessité, à mes yeux, de formuler ce que devait être aujourd’hui une République culturelle laïque. Cette République, ce n’est pas seulement l’Etat, mais l’ensemble des acteurs républicains qui doivent la porter : Etat, collectivités territoriales, associations, mouvements, professionnels de la culture et de l’éducation, médias, citoyens…

3/ Dans ce contexte, que peut-on attendre d’un Président de la République ?

    a/ Qu’il soit le premier porte-parole de cette République culturelle laïque. Qu’il en formule le sens pour nos concitoyens. Qu’il en rappelle sans cesse la nécessité, contre les forces du marché ou les intégrismes divers qui ne manquent pas de s’y opposer. Qu’il réaffirme, pour cela, la dimension de « service public » de la culture comme constitutive de ce projet. De Gaulle avec Malraux, Mitterrand avec Lang ont tenu ce rôle essentiel …

    b/ Qu’il engage la République (et pas seulement l'Etat ni le ministère de la culture) à la mise en œuvre de ce projet, par une mobilisation coordonnée des différents ministères concernés (Culture, communication, éducation, jeunesse, ville, action sociale, santé, justice, urbanisme…) en relation constante et concertée avec l’ensemble des acteurs de terrain, au premier rang desquels les collectivités territoriales et les structures professionnelles et associatives.

Vous avez signé le « pacte écologique » proposé par Nicolas Hulot qui envisage la création d’un poste de vice-premier ministre chargé du développement durable. Je vous suggère d’intégrer à ses missions la dimension culturelle : il est question aussi de « développement culturel durable »  et de transversalité.

    c/ Qu’il assure la pérennité de cette action, par une double priorité : un « plan Marshall » de la formation, une institutionnalisation définitive de cette dimension dans les structures éducatives, culturelles et médiatiques.

Un plan Marshall de la formation, c’est comprendre qu’il ne sert à rien d’ajouter des dispositifs à d’autres dispositifs, s’il n’existe pas sur le terrain des gens qui auraient de véritables dispositions pour les faire vivre.  Il faut former, former, former… les enseignants, les chefs d’établissements, les artistes intervenants, les médiateurs, les responsables culturels, les élus... D’innombrables expériences ont été menées dans ce pays, qui ne sont jamais capitalisées ni transmises. Je vous suggère la création d’un Institut supérieur de l’éducation artistique et culturelle (à l’image de l’INJEP -Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire- à Marly-le-roi) qui pourrait être le moteur et le coordinateur de cette politique.

L’institutionnalisation, c’est l’inscription de la dimension artistique et culturelle dans toutes les structures, notamment éducatives. C’est principalement la question du temps et de l’espace qui peuvent être consacrés à ces activités. Certains proposent la libération d’une demi-journée par semaine, de la maternelle à l’université, consacrée aux arts et à la culture. Je vous invite à partager cette proposition.

4/ Tout ceci n’aurait aucun sens si la République culturelle laïque ne se saisissait fortement du problème de la télévision et de son rapport à l’enfance, à la jeunesse et à l’éducation.  Les incantations ne sont plus de mise : il importe de s’assurer que le service public de télévision ne travaille pas, sans cesse, à saper la volonté éducative et culturelle proposée ci-dessus.

5/ Enfin, je vous aurais mis en garde contre la tentation de croire que l’éducation artistique et culturelle, pour laquelle je milite activement, serait une panacée. Je vous aurais rappelé que les plus grands dignitaires nazis avaient tous reçu une excellente éducation artistique et que bien des barbares de ce monde se délectent parfois de musique ou de peinture. Ceci pour dire que tout est dans la manière, dans le « comment », dans le sens que l’on accorde à ces activités.

Le président de la République a la responsabilité, dans ce domaine comme dans bien d’autres, d’indiquer clairement le chemin !

Croyez, monsieur (madame) le(la) Candidat(e), en l’expression de mes sentiments distingués.

Loizorare

PS/ Copie de ce texte est déposé sur les sites de F. Bayrou et Ségolène Royal.

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