L'IGNARE, LE MILITANT, LE MISSIONNAIRE ET LE PROFESSIONNEL
Pièce en un acte
L’Ignare :
Je ne sais rien. Rien du tout. Rien de rien.
Dites-moi, messieurs, lequel d’entre vous pourrait m’expliquer ce que c’est qu’un « projet »?
Le Professionnel :
Moi ! Je peux. Je suis un professionnel du projet.
Combien me payes-tu ?
L’Ignare :
Heu ! ! !
Le Militant :
C’est un scandale. Se faire payer pour expliquer quelque chose à un ignare.
Tu n’as pas honte ?
Le Professionnel :
Pas du tout. Je suis un professionnel, c’est tout. C’est simple, c’est clair.
Nous ne sommes plus au temps où…
Le Militant :
Moi, je suis militant, je vais lui expliquer. Et gratuitement, en plus !
Le « projet », vois-tu…
Le Missionnaire :
C’est absurde. Pourquoi vous battre entre militant et professionnel, alors que ma fonction à moi, consiste précisément à résoudre ce genre de problème ?
Les trois autres :
Ah…bon ?
Le Missionnaire :
Bien entendu ! je suis payé par mon institution pour cela. Je n’ai pas à gagner de l’argent pour expliquer, ni à la faire bénévolement. Expliquer, c’est une « mission »
Le Professionnel :
Es-tu seulement compétent pour cela ?
Le Missionnaire :
Evidemment, puisque c’est mon travail.
Le Militant :
Ce travail a-t-il seulement un sens ?
Le Missionnaire :
Bien entendu, puisque c’est une mission !
L’Ignare :
Si je comprends bien, tu es à la fois militant et professionnel ?
Le Missionnaire :
En quelque sorte !
L’Ignare :
Alors, explique. Vas-y !
Le Professionnel :
Un « projet », vois-tu, au sens institutionnel du terme, c’est un « dossier » (en trois exemplaires au moins), qui explique le « quoi », le « comment » et surtout le « combien ». Il faut dire aussi le « où » et « avec qui ». Enfin, si tu mets quelques images, c’est mieux .
Le Militant :
Technocrate ! C’est un scandale ! Un projet, c’est avant tout le « pourquoi » ; c’est d’abord un objectif, un désir, une volonté, une conscience ; le reste ne sont que des conséquences, secondaires.
Le Professionnel :
Naïf ! Bien entendu « l’objectif » est important, mais un projet c’est essentiellement le « comment ». Des objectifs, il en existe des milliers, tout le monde peut avoir des désirs, des volontés… Le problème est de savoir quels « moyens » mettre en œuvre pour y parvenir. Ça, c’est l’affaire du professionnel !
L’Ignare :
Il me semble percevoir quelques contradictions entre vous !
Le Militant :
Bien entendu !
Le Professionnel :
Absolument !
Le Missionnaire :
Pas du tout !
L’Ignare :
Comment ça ?
Le Missionnaire :
Il n’y a aucune contradiction entre le « pourquoi » et le « comment », pas plus qu’entre le « comment » et le « combien », ni entre le militant et le professionnel. Il n’y a que des « tensions »(sic). Tu comprends la différence ?
L’Ignare :
Pas vraiment !
Le Missionnaire :
C’est simple : la contradiction signifierait une opposition définitive entre les deux termes, un rejet absolu de l’un par l’autre. Or, tous les projets ont à la fois un sens et une structure. N’est-ce pas ?
Le Militant :
C’est vrai. Mon action doit être organisée, sinon…
Le Professionnel :
Il a raison. Mon organisation doit avoir un sens, sinon…
L’Ignare :
Mais alors, où est la contradiction ? Où sont les différences ?
Le Militant :
Le Professionnel :
(ensemble) Heu..! La différence ? C’est quand il exagère.
Le Militant :
Le Professionnel :
(ensemble) Qui exagère ?
Le Militant :
Le Professionnel :
(ensemble) Toi !.
Le Missionnaire :
C’est pourtant simple : la contradiction c’est quand ils exagèrent tous les deux. Quand le « pourquoi » du militant oublie le « comment », quand « l’organisation » du professionnel oublie le « sens » du projet. Tu comprends ?
L’Ignare :
Bien sur, je comprends. Tu me prends pour un ignare ? Ça s’appelle la dialectique, c’est élémentaire ! Si je résume : un « projet » qu’ils soit militant ou professionnel, c’est avant tout un objectif, avec un sens et des moyens pour le mettre en œuvre. C’est ça ?
Le Militant :
Exactement !
Le Professionnel :
A peu près !
L’Ignare :
Qu’est-ce qui manque encore ?
Le Professionnel :
En termes professionnels, un « projet » ne fonctionnera que s’il est assorti d’un « échéancier » (quand ça commence, mais aussi quand ça se termine !) et de moyens d’évaluation indispensables. Pas vrai ?
Le Missionnaire :
Heu.. ! C’est que… chez nous… les échéanciers, les évaluations… on en parle quelques fois
Mais dans la pratique …
L’Ignare :
J’ai compris ! Chaque fois que j’aurai ce type de question, il faudra que je vous interroge tous les trois, pour avoir enfin une réponse complète !
Le Militant :
Le Professionnel :
Le Missionnaire :
(ensemble) Heu.. ! ben… oui ! Remarque, ce ne sera pas trop difficile, puisque nous sommes la même personne !
L’Ignare :
Je ne sais rien. Rien du tout. Rien de rien.
Dites-moi, messieurs, lequel d’entre vous pourrait m’expliquer ce que c’est qu’un « projet »?
Le Professionnel :
Moi ! Je peux. Je suis un professionnel du projet.
Combien me payes-tu ?
L’Ignare :
Heu ! ! !
Le Militant :
C’est un scandale. Se faire payer pour expliquer quelque chose à un ignare.
Tu n’as pas honte ?
Le Professionnel :
Pas du tout. Je suis un professionnel, c’est tout. C’est simple, c’est clair.
Nous ne sommes plus au temps où…
Le Militant :
Moi, je suis militant, je vais lui expliquer. Et gratuitement, en plus !
Le « projet », vois-tu…
Le Missionnaire :
C’est absurde. Pourquoi vous battre entre militant et professionnel, alors que ma fonction à moi, consiste précisément à résoudre ce genre de problème ?
Les trois autres :
Ah…bon ?
Le Missionnaire :
Bien entendu ! je suis payé par mon institution pour cela. Je n’ai pas à gagner de l’argent pour expliquer, ni à la faire bénévolement. Expliquer, c’est une « mission »
Le Professionnel :
Es-tu seulement compétent pour cela ?
Le Missionnaire :
Evidemment, puisque c’est mon travail.
Le Militant :
Ce travail a-t-il seulement un sens ?
Le Missionnaire :
Bien entendu, puisque c’est une mission !
L’Ignare :
Si je comprends bien, tu es à la fois militant et professionnel ?
Le Missionnaire :
En quelque sorte !
L’Ignare :
Alors, explique. Vas-y !
Le Professionnel :
Un « projet », vois-tu, au sens institutionnel du terme, c’est un « dossier » (en trois exemplaires au moins), qui explique le « quoi », le « comment » et surtout le « combien ». Il faut dire aussi le « où » et « avec qui ». Enfin, si tu mets quelques images, c’est mieux .
Le Militant :
Technocrate ! C’est un scandale ! Un projet, c’est avant tout le « pourquoi » ; c’est d’abord un objectif, un désir, une volonté, une conscience ; le reste ne sont que des conséquences, secondaires.
Le Professionnel :
Naïf ! Bien entendu « l’objectif » est important, mais un projet c’est essentiellement le « comment ». Des objectifs, il en existe des milliers, tout le monde peut avoir des désirs, des volontés… Le problème est de savoir quels « moyens » mettre en œuvre pour y parvenir. Ça, c’est l’affaire du professionnel !
L’Ignare :
Il me semble percevoir quelques contradictions entre vous !
Le Militant :
Bien entendu !
Le Professionnel :
Absolument !
Le Missionnaire :
Pas du tout !
L’Ignare :
Comment ça ?
Le Missionnaire :
Il n’y a aucune contradiction entre le « pourquoi » et le « comment », pas plus qu’entre le « comment » et le « combien », ni entre le militant et le professionnel. Il n’y a que des « tensions »(sic). Tu comprends la différence ?
L’Ignare :
Pas vraiment !
Le Missionnaire :
C’est simple : la contradiction signifierait une opposition définitive entre les deux termes, un rejet absolu de l’un par l’autre. Or, tous les projets ont à la fois un sens et une structure. N’est-ce pas ?
Le Militant :
C’est vrai. Mon action doit être organisée, sinon…
Le Professionnel :
Il a raison. Mon organisation doit avoir un sens, sinon…
L’Ignare :
Mais alors, où est la contradiction ? Où sont les différences ?
Le Militant :
Le Professionnel :
(ensemble) Heu..! La différence ? C’est quand il exagère.
Le Militant :
Le Professionnel :
(ensemble) Qui exagère ?
Le Militant :
Le Professionnel :
(ensemble) Toi !.
Le Missionnaire :
C’est pourtant simple : la contradiction c’est quand ils exagèrent tous les deux. Quand le « pourquoi » du militant oublie le « comment », quand « l’organisation » du professionnel oublie le « sens » du projet. Tu comprends ?
L’Ignare :
Bien sur, je comprends. Tu me prends pour un ignare ? Ça s’appelle la dialectique, c’est élémentaire ! Si je résume : un « projet » qu’ils soit militant ou professionnel, c’est avant tout un objectif, avec un sens et des moyens pour le mettre en œuvre. C’est ça ?
Le Militant :
Exactement !
Le Professionnel :
A peu près !
L’Ignare :
Qu’est-ce qui manque encore ?
Le Professionnel :
En termes professionnels, un « projet » ne fonctionnera que s’il est assorti d’un « échéancier » (quand ça commence, mais aussi quand ça se termine !) et de moyens d’évaluation indispensables. Pas vrai ?
Le Missionnaire :
Heu.. ! C’est que… chez nous… les échéanciers, les évaluations… on en parle quelques fois
Mais dans la pratique …
L’Ignare :
J’ai compris ! Chaque fois que j’aurai ce type de question, il faudra que je vous interroge tous les trois, pour avoir enfin une réponse complète !
Le Militant :
Le Professionnel :
Le Missionnaire :
(ensemble) Heu.. ! ben… oui ! Remarque, ce ne sera pas trop difficile, puisque nous sommes la même personne !
(Silence, brume)
Rideau
JGC
Avignon Paris 1985
Avignon Paris 1985