« Entre les murs » : l’autre scénario !
En complément du texte précédent de Philippe Merieu, et pour alimenter un peu le débat en cour, quelques réfléxions supplémentaires sur le film du jour...
« Entre les murs », l’autre scénario !
Parce qu’il a obtenu la Palme d’Or au dernier festival de Cannes, parce qu’il a été réalisé dans un établissement scolaire avec un vrai prof et de vrais élèves comme acteurs, Entre les murs de Laurent Cantet retient à la fois l’attention des critiques de cinéma et celle des pédagogues. Là où les premiers voient d’abord une œuvre cinématographique, les seconds ne manquent pas de pointer la dimension documentaire ( en vérité de docufiction, frontière incertaine entre le documentaire et la construction cinématographique). Si le film est largement plébiscité pour sa qualité artistique, l’image qu’il colporte fait débat : s’agit-il de la réalité ? D’une réalité ? Les élèves d’aujourd’hui sont-ils « vraiment » comme on nous les présente ? Où bien le trait est-il inévitablement forcé, pour les besoins du scénario ? L’enseignant que l’on nous montre est-il conforme à l’idée que l’on se fait (en bien ou en mal) d’une pédagogie nouvelle, attentive aux élèves autant qu’aux contenus des enseignements ? Est-ce la confirmation de l’effondrement définitif de l’Ecole de la République et de ses valeurs ? Ces questions ne manquent pas d’animer le débat public sur l’éducation, la société, les orientations pédagogiques, etc.
Dans ce concert d’arguments, il en est un qui n’apparaît pas et pourtant me semble essentiel. C’est celui de l’aventure pédagogique formidable qu’a constitué ce film : non pas le contenu du film, mais sa réalisation même, sa démarche, son projet. Car après tout : ces jeunes élèves du collège Dolto, dans le XXè arrondissement de Paris, ne sont pas (seulement) les personnages du film, il en sont surtout et avant tout les acteurs, c’est-à-dire des élèves capables de passer des mois, avec un « vrai » cinéaste, à accomplir un travail considérable de comédiens. Les mêmes qui hurlent en dénonçant la baisse de niveau, les écarts de langage, les comportements irresponsables de la jeunesse, ne disent jamais combien il a fallu d’engagement, de travail, de précision, de sincérité et de subtilité pour construire et interpréter ces personnages. Or ce sont les mêmes qui jouent et qui sont représentés. Ces mêmes jeunes, dont ont laisse à penser qu’ils ne « valent » rien, qu’ils bafouent l’autorité et le savoir, ici s’enthousiasment pour un vrai projet cinématographique, une aventure authentique, un risque et une parole collective sans concessions. Nous sommes loin de la Star Ac et des rêves individuels de « résultats », au cœur d’une véritable « pédagogie de projet », dans l’esprit des très nombreuses aventures d’éducation artistique et culturelle, menées, partout en France, par des enseignants et des artistes engagés. Rappelons que tout ce travail est aujourd’hui plus que menacé : crédits en baisse, découragement des initiatives, réduction des temps et des espaces de travail… Ce qu’avait déjà montré avec justesse le film « L’esquive », « Entre les murs » le démontre une fois de plus. La pédagogie de projet artistique développée avec talent est une aventure irremplaçable pour les enfants et les adolescents qui ont la chance d’y participer. Ce combat-là reste à mener !
« Entre les murs », l’autre scénario !
Parce qu’il a obtenu la Palme d’Or au dernier festival de Cannes, parce qu’il a été réalisé dans un établissement scolaire avec un vrai prof et de vrais élèves comme acteurs, Entre les murs de Laurent Cantet retient à la fois l’attention des critiques de cinéma et celle des pédagogues. Là où les premiers voient d’abord une œuvre cinématographique, les seconds ne manquent pas de pointer la dimension documentaire ( en vérité de docufiction, frontière incertaine entre le documentaire et la construction cinématographique). Si le film est largement plébiscité pour sa qualité artistique, l’image qu’il colporte fait débat : s’agit-il de la réalité ? D’une réalité ? Les élèves d’aujourd’hui sont-ils « vraiment » comme on nous les présente ? Où bien le trait est-il inévitablement forcé, pour les besoins du scénario ? L’enseignant que l’on nous montre est-il conforme à l’idée que l’on se fait (en bien ou en mal) d’une pédagogie nouvelle, attentive aux élèves autant qu’aux contenus des enseignements ? Est-ce la confirmation de l’effondrement définitif de l’Ecole de la République et de ses valeurs ? Ces questions ne manquent pas d’animer le débat public sur l’éducation, la société, les orientations pédagogiques, etc.
Dans ce concert d’arguments, il en est un qui n’apparaît pas et pourtant me semble essentiel. C’est celui de l’aventure pédagogique formidable qu’a constitué ce film : non pas le contenu du film, mais sa réalisation même, sa démarche, son projet. Car après tout : ces jeunes élèves du collège Dolto, dans le XXè arrondissement de Paris, ne sont pas (seulement) les personnages du film, il en sont surtout et avant tout les acteurs, c’est-à-dire des élèves capables de passer des mois, avec un « vrai » cinéaste, à accomplir un travail considérable de comédiens. Les mêmes qui hurlent en dénonçant la baisse de niveau, les écarts de langage, les comportements irresponsables de la jeunesse, ne disent jamais combien il a fallu d’engagement, de travail, de précision, de sincérité et de subtilité pour construire et interpréter ces personnages. Or ce sont les mêmes qui jouent et qui sont représentés. Ces mêmes jeunes, dont ont laisse à penser qu’ils ne « valent » rien, qu’ils bafouent l’autorité et le savoir, ici s’enthousiasment pour un vrai projet cinématographique, une aventure authentique, un risque et une parole collective sans concessions. Nous sommes loin de la Star Ac et des rêves individuels de « résultats », au cœur d’une véritable « pédagogie de projet », dans l’esprit des très nombreuses aventures d’éducation artistique et culturelle, menées, partout en France, par des enseignants et des artistes engagés. Rappelons que tout ce travail est aujourd’hui plus que menacé : crédits en baisse, découragement des initiatives, réduction des temps et des espaces de travail… Ce qu’avait déjà montré avec justesse le film « L’esquive », « Entre les murs » le démontre une fois de plus. La pédagogie de projet artistique développée avec talent est une aventure irremplaçable pour les enfants et les adolescents qui ont la chance d’y participer. Ce combat-là reste à mener !