Etats d'âme
1/ Etat d’âme
2/Etat d’esprit
3/Etat des lieux
4/ Et un coup de chapeau
A mon ami Robin Renucci. Président du jury de l’éducation nationale au Festival de Cannes, il rappelle avec calme et simplicité la dimension politique de toute œuvre d’art. On écoute ici.
On ressent comme une baisse de régime. Depuis quelque temps, moins envie d’écrire, d’alimenter ce blog avec constance. Le doute s’installe : à quoi bon ? Passée la période de découverte et d’enthousiasme, passé le temps de coups de gueule et des coups de pub, est-ce bien utile ? Allons plus loin, ces états d’âme ont-ils le moindre intérêt pour un lecteur anonyme de la blogosphère ? On peut en douter ! Et pourtant… Vous êtes une centaine d’inscrits qui recevez automatiquement un petit signe à chaque article. Vous êtes à ce jour 21246 à avoir visité le blog depuis sa création, en lisant 74305 pages. De quoi me remonter un peu le moral ! Alors, je continue, espérant toujours que vous serez, vous aussi, plus vifs dans les commentaires éventuels… En fait, n’est-ce pas le contexte général qui nous rend plus perplexe ?
2/Etat d’esprit
Voici quelques semaines que certaines revues me font signe pour avoir mon avis sur la question de l’éducation artistique et culturelle. Je réponds avec intérêt bien que me sentant un peu isolé dans les prises de paroles. Je vous livre ici en avant-première le texte qui devrait être publié prochainement dans Stradda, la revue des arts de la rue. Il exprime assez clairement mon état d’esprit actuel.
Lettre ouverte aux militants de l’éducation artistique et culturelle
… ou à ceux qui pourraient le devenir.
… ou à ceux qui pourraient le devenir.
Chers amis,
depuis une quarantaine d’années, artistes, enseignants, responsables culturels et éducatifs, élus… nous avons participé à un mouvement important de la vie éducative et culturelle de notre pays. Dans des lieux divers (écoles, structures culturelles, associations…), nous avons travaillé à l’émergence de pratiques nouvelles de l’art dans l’éducation, à une pédagogie de projets, à l’invention de formes et de dispositifs pour que les enfants et les jeunes qui nous étaient confiés puissent, le temps d’un projet ou plus longuement, se frotter à la création artistique et, par là, se construire de manière harmonieuse. Pour cela, nous avons multiplié les initiatives, les expériences, les réflexions, les formations et les combats, notamment sur le thème du « partenariat » entre artistes et enseignants. Nous avons tenu des séminaires, des colloques, des formations, nous avons écrit des articles, des livres, des rapports, nous avons milité dans des associations, dans les administrations, nous nous sommes réunis dans des mouvements internationaux… Bon an mal an, notre projet s’est développé, prenant progressivement une place centrale dans le débat public sur la culture et sur l’éducation. Une de nos revendications principales était de voir ce thème enfin repris dans le débat politique général, afin qu’il parvienne à influencer véritablement les politiques publiques de la culture et de l’éducation. Nous sommes servis !
Lors de la récente campagne présidentielle, tous les candidats firent de ce sujet une idée-force, convenant que les politiques de la culture avaient atteint une limite que seule l’éducation pourrait permettre de dépasser désormais. Le Président élu en fit une priorité, inscrite dans les décrets d’attribution aux ministres concernés. Ceux-ci s’empressèrent de commander un rapport (le 27è, me semble-t-il) sur le sujet. Une intervention en Conseil des ministres venait confirmer cet empressement. Enfin, puisqu’il n’existe pas de politique sans circulaire, un document vient de paraître au Bulletin officiel de l’éducation nationale du 8 mai 2008 qui précise les orientations : « L’éducation artistique et culturelle doit être développée dans un objectif de généralisation à tous les élèves et à l’ensemble des cycles de formation, dans le domaine des connaissances et de la pratique artistiques. Elle doit permettre l’éveil des talents particuliers et conduire les élèves qui le souhaitent vers des pratiques artistiques d’excellence. » Ce texte décline les grands axes d’une politique à venir : « enseignement obligatoire de l’histoire des arts, évaluation au Brevet, pratiques artistiques dans l’accompagnement éducatif et hors l’école, classes à horaires aménagés, fréquentation des structures culturelles, partenariats entre établissements scolaires et culturels, ateliers de pratique, résidences d’artistes, volets artistiques et culturels des projets d’établissement, formation initiale, formation continue, convention triennale avec les collectivités territoriales… » Avouons-le, la lecture de cette circulaire laisse perplexe.
Reconnaissons aux auteurs une tentative de synthèse générale sur le sujet (tout y est et son contraire !), un engagement réel à vouloir faire évoluer ce domaine au-delà du cercle des convaincus, cependant dans une hiérarchie des priorités et dans un contexte qui ne laissent pas d’inquiéter. Pour faire court : la place principale et préalable donnée à « l’histoire des arts » apparaît comme un contresens majeur de ce que nous avons tenté de faire depuis des années. Comme s’il importait de connaître d’abord l’histoire des sports avant d’apprendre à courir, à sauter ou à nager ! Cette manière, très classique et académique (« bourgeoise » aurait-on dit, il y a quelques années !), de concevoir l’éducation artistique et culturelle correspond bien sûr à l’air du temps, au « retour aux fondamentaux », à la volonté espérée d’un « socle commun » des connaissances artistiques, au primat du savoir sur l’expérience, balayant du même coup toute approche jugée trop « pédagogique » de l’activité artistique et culturelle. Pas un mot, ici, sur la « pédagogie de projet » qui fut, pour nombre d’entre nous, aussi importante que la dimension artistique elle-même. Pas un mot, sur la dimension collective, l’apprentissage de groupe, l’entrée par l’expression et la sensibilité avant la conceptualisation. Bref, nous ne parlons pas de la même « éducation artistique et culturelle » ! De plus, le contexte général, les crédits en baisse, la réduction des horaires de l’Ecole, la restriction des financements de nombreuses activités culturelles, les difficultés des artistes intermittents, les résistances pédagogiques qui visent une éducation principalement « utilitariste »… ajoutent à notre inquiétude.
En vérité, c’est une nouvelle étape d’un combat déjà ancien qui s’ouvre désormais. Il ne s’agit plus d’imposer notre thème dans le débat public, mais d’affirmer, plus que jamais, le sens de ce que l’on nomme « éducation artistique et culturelle ». A l’heure de la grande bataille mondiale de l’imaginaire, à l’heure du consumérisme-roi, de la grande peur généralisée de l’avenir et de l’autre, à l’heure où le « principe de précaution » voudrait être appliqué partout, y compris à l’éducation… nous devons réaffirmer l’importance de la pédagogie active, de l’expression personnelle, de la solidarité dans l’aventure artistique et pédagogique, notamment pour les enfants issus des milieux les plus éloignés de la chose culturelle ; rappeler la complexité des œuvres, comme l’incertitude du travail artistique et le tâtonnement comme principe d’apprentissage. Redire l’indispensable approche sensible dans la formation des générations futures, mais aussi l’acceptation et la maîtrise de l’incertitude qui régit la création artistique. Ces ambitions ne peuvent se réduire à un enseignement, aussi utile soit-il, de l’histoire des arts. Elles appellent des initiatives, des engagements, des évolutions dans les pratiques pédagogiques comme dans les actions culturelles. Elles appellent du temps, des espaces et, bien entendu, moyens financiers et humains. Elles appellent enfin, et peut être surtout, une formation constante de tous les acteurs concernés.
Soyons francs et peut-être un peu malins : la circulaire en question pourrait être un outil efficace à qui sait s’en servir. Pas d’histoire des arts sans rapport aux œuvres, développement de la pratique et des sorties, création de postes de médiateurs, formations initiales et continues, projets d’établissement, partenariats, conventions avec les collectivités territoriales… Soit ! Il serait bon de prendre ce texte aux mots, du moins ceux qui nous conviennent, et de faire de ces éléments le cœur de nos combats à venir. Comme il était dit dans une époque désormais « liquidée » : le combat continue !
depuis une quarantaine d’années, artistes, enseignants, responsables culturels et éducatifs, élus… nous avons participé à un mouvement important de la vie éducative et culturelle de notre pays. Dans des lieux divers (écoles, structures culturelles, associations…), nous avons travaillé à l’émergence de pratiques nouvelles de l’art dans l’éducation, à une pédagogie de projets, à l’invention de formes et de dispositifs pour que les enfants et les jeunes qui nous étaient confiés puissent, le temps d’un projet ou plus longuement, se frotter à la création artistique et, par là, se construire de manière harmonieuse. Pour cela, nous avons multiplié les initiatives, les expériences, les réflexions, les formations et les combats, notamment sur le thème du « partenariat » entre artistes et enseignants. Nous avons tenu des séminaires, des colloques, des formations, nous avons écrit des articles, des livres, des rapports, nous avons milité dans des associations, dans les administrations, nous nous sommes réunis dans des mouvements internationaux… Bon an mal an, notre projet s’est développé, prenant progressivement une place centrale dans le débat public sur la culture et sur l’éducation. Une de nos revendications principales était de voir ce thème enfin repris dans le débat politique général, afin qu’il parvienne à influencer véritablement les politiques publiques de la culture et de l’éducation. Nous sommes servis !
Lors de la récente campagne présidentielle, tous les candidats firent de ce sujet une idée-force, convenant que les politiques de la culture avaient atteint une limite que seule l’éducation pourrait permettre de dépasser désormais. Le Président élu en fit une priorité, inscrite dans les décrets d’attribution aux ministres concernés. Ceux-ci s’empressèrent de commander un rapport (le 27è, me semble-t-il) sur le sujet. Une intervention en Conseil des ministres venait confirmer cet empressement. Enfin, puisqu’il n’existe pas de politique sans circulaire, un document vient de paraître au Bulletin officiel de l’éducation nationale du 8 mai 2008 qui précise les orientations : « L’éducation artistique et culturelle doit être développée dans un objectif de généralisation à tous les élèves et à l’ensemble des cycles de formation, dans le domaine des connaissances et de la pratique artistiques. Elle doit permettre l’éveil des talents particuliers et conduire les élèves qui le souhaitent vers des pratiques artistiques d’excellence. » Ce texte décline les grands axes d’une politique à venir : « enseignement obligatoire de l’histoire des arts, évaluation au Brevet, pratiques artistiques dans l’accompagnement éducatif et hors l’école, classes à horaires aménagés, fréquentation des structures culturelles, partenariats entre établissements scolaires et culturels, ateliers de pratique, résidences d’artistes, volets artistiques et culturels des projets d’établissement, formation initiale, formation continue, convention triennale avec les collectivités territoriales… » Avouons-le, la lecture de cette circulaire laisse perplexe.
Reconnaissons aux auteurs une tentative de synthèse générale sur le sujet (tout y est et son contraire !), un engagement réel à vouloir faire évoluer ce domaine au-delà du cercle des convaincus, cependant dans une hiérarchie des priorités et dans un contexte qui ne laissent pas d’inquiéter. Pour faire court : la place principale et préalable donnée à « l’histoire des arts » apparaît comme un contresens majeur de ce que nous avons tenté de faire depuis des années. Comme s’il importait de connaître d’abord l’histoire des sports avant d’apprendre à courir, à sauter ou à nager ! Cette manière, très classique et académique (« bourgeoise » aurait-on dit, il y a quelques années !), de concevoir l’éducation artistique et culturelle correspond bien sûr à l’air du temps, au « retour aux fondamentaux », à la volonté espérée d’un « socle commun » des connaissances artistiques, au primat du savoir sur l’expérience, balayant du même coup toute approche jugée trop « pédagogique » de l’activité artistique et culturelle. Pas un mot, ici, sur la « pédagogie de projet » qui fut, pour nombre d’entre nous, aussi importante que la dimension artistique elle-même. Pas un mot, sur la dimension collective, l’apprentissage de groupe, l’entrée par l’expression et la sensibilité avant la conceptualisation. Bref, nous ne parlons pas de la même « éducation artistique et culturelle » ! De plus, le contexte général, les crédits en baisse, la réduction des horaires de l’Ecole, la restriction des financements de nombreuses activités culturelles, les difficultés des artistes intermittents, les résistances pédagogiques qui visent une éducation principalement « utilitariste »… ajoutent à notre inquiétude.
En vérité, c’est une nouvelle étape d’un combat déjà ancien qui s’ouvre désormais. Il ne s’agit plus d’imposer notre thème dans le débat public, mais d’affirmer, plus que jamais, le sens de ce que l’on nomme « éducation artistique et culturelle ». A l’heure de la grande bataille mondiale de l’imaginaire, à l’heure du consumérisme-roi, de la grande peur généralisée de l’avenir et de l’autre, à l’heure où le « principe de précaution » voudrait être appliqué partout, y compris à l’éducation… nous devons réaffirmer l’importance de la pédagogie active, de l’expression personnelle, de la solidarité dans l’aventure artistique et pédagogique, notamment pour les enfants issus des milieux les plus éloignés de la chose culturelle ; rappeler la complexité des œuvres, comme l’incertitude du travail artistique et le tâtonnement comme principe d’apprentissage. Redire l’indispensable approche sensible dans la formation des générations futures, mais aussi l’acceptation et la maîtrise de l’incertitude qui régit la création artistique. Ces ambitions ne peuvent se réduire à un enseignement, aussi utile soit-il, de l’histoire des arts. Elles appellent des initiatives, des engagements, des évolutions dans les pratiques pédagogiques comme dans les actions culturelles. Elles appellent du temps, des espaces et, bien entendu, moyens financiers et humains. Elles appellent enfin, et peut être surtout, une formation constante de tous les acteurs concernés.
Soyons francs et peut-être un peu malins : la circulaire en question pourrait être un outil efficace à qui sait s’en servir. Pas d’histoire des arts sans rapport aux œuvres, développement de la pratique et des sorties, création de postes de médiateurs, formations initiales et continues, projets d’établissement, partenariats, conventions avec les collectivités territoriales… Soit ! Il serait bon de prendre ce texte aux mots, du moins ceux qui nous conviennent, et de faire de ces éléments le cœur de nos combats à venir. Comme il était dit dans une époque désormais « liquidée » : le combat continue !
3/Etat des lieux
Avez-vous lu… ? Que désormais il sera possible de séparer les garçons et les filles dans les établissements scolaires ? Le Monde du 23 avril : « Extrait : Le Parlement vient d'adopter, subrepticement, une disposition dangereuse pour le modèle républicain. Une fois de plus, l'Europe a bon dos. Au nom d'une prétendue directive européenne, le gouvernement français vient de faire adopter par le Parlement, dans un texte de loi destiné à lutter contre les discriminations, une disposition remettant en cause la mixité à l'école. Aucun ministre de l'éducation, aussi réactionnaire fût-il, n'aurait eu « l'audace » d'inscrire dans nos textes, ne serait-ce que par voie de circulaire, la possibilité d'organiser « des enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe » sans s'exposer à la foudre des organisations laïques et des syndicats de l'enseignement »
4/ Et un coup de chapeau
A mon ami Robin Renucci. Président du jury de l’éducation nationale au Festival de Cannes, il rappelle avec calme et simplicité la dimension politique de toute œuvre d’art. On écoute ici.