SOLITUDES

Publié le par JGC


Deux nouvelles glanées récemment dans la presse.
L’une théâtrale, l’autre politique.
Il se pourrait que l’on y trouve quelques correspondances.


1/ Daniel Mesguich, directeur du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, vient de nommer Guy Bedos « professeur de solitude », chargé d’enseigner aux futurs acteurs l’art du sketch. Il s’en explique dans Le Monde de la manière suivante :

« Le one-man-show, c'est l'art du sketch. Pourquoi ne pas s'y préparer, comme à la prestidigitation, au clown, qui seront aussi enseignés dans ces cours ? L'art de l'acteur est à multiples facettes. Et puis, sur le fond, qu'est-ce qui fait la spécificité de tel grand acteur, sinon sa solitude, sinon sa profondeur à lui, inaliénable ? C'est seul qu'on fait des progrès essentiels. Je ne dis pas que les cours "de solitude" apprennent à être seul au monde. Mais je dis que quand on a tout enlevé, les partenaires, le personnage, la situation, et qu'on dit : "Voilà, le rideau s'ouvre, et tu es seul", c'est une façon essentielle de rappeler ce qu'est le théâtre. »

Voici théorisée, dans la plus prestigieuse école française d’art dramatique, la dérive la plus marquante de ces dernières années, à savoir l’individualisme forcené des acteurs, le principe de solitude affirmé comme identité même du théâtre. Foutaise !

Me reviennent à l’esprit toutes les aventures théâtrales marquantes auxquelles j’ai participé, ou assisté, depuis près de 40 ans. Vilar, Brook, Mnouchkine, Kantor, le Living theatre, et tant d’autres… Toutes avaient en commun d’être le fruit d’un travail, mieux d’une expression collective. Mettez sur une scène une troupe de solitaires, aussi géniaux soient-ils, cela ne fonctionnera jamais comme une équipe solidaire, fut-elle composée d’individus moins talentueux. Au théâtre comme au football, c’est le jeu collectif qui l’emporte toujours.

Mon ami Philippe Avron, qui pourtant joue seul depuis bien des années, ne cesse de répéter : « C’est fou qu’il faut comme monde pour faire un truc tout seul » ! Il ferait un bon professeur au Conservatoire !

Allons pus loin. Je n’ai rien contre la solitude de l’acteur au moment des trois coups et j’adhère à l’idée qu’une part de solitude, c’est-à-dire de responsabilité individuelle autant que de liberté, est utile voire indispensable à l’acte artistique. Mais au théâtre, cette responsabilité ne peut être que partagée, et c’est dans le groupe, par la confrontation et le dialogue, que l’individu trouve ( ou non) sa place et son sens.

En vérité, l’intérêt majeur de l’activité théâtrale (et sans doute sportive, souvent) c’est précisément le jeu dialectique qui s’opère entre l’individu et l’équipe, entre solitude et solidarité. C’est d’ailleurs ce que Jacques Lecoq avait magistralement mis en œuvre dans l’équilibre subtil entre les « auto-cours », essais permanents de créations collectives, et le travail du clown, en fin de formation, solitude absolue de l’acteur au centre de la piste !

A quand Ariane Mnouchkine professeur de « solidarité » au Conservatoire ?


2/ « Christophe Girard quitte Ségolène Royal pour rejoindre Bertrand Delanöé. » Celle-là aussi, sans doute, vous aura échappé. Et pourtant, il s’est trouvé un journaliste pour y consacrer un papier dans un grand journal du soir. Cela vaut bien quelques lignes dans ce modeste blog.

Pour ceux qui l’ignoreraient, le Sieur Girard est depuis six ans adjoint au maire chargé de la culture à la Ville de Paris et salarié de la firme LVMH, qui commerce notamment avec la Chine. Il s’est abstenu lors de la décision du Conseil de Paris de nommer le Dalaï Lama citoyen d’honneur de la Ville. Pour l’avoir brièvement croisé, et observant la politique culturelle de la Ville de Paris, pour le moins inexistante, depuis qu’il en a la charge, il est intéressant de noter l’évolution politique de la personne : élu sur une liste Verts, puis rejoignant le PS, soutien actif et très visible de Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle, le voici dans le sillage de Bertrand Delanöé. Parions que d’autres revirements pourraient intervenir. Est-ce le vent ou la girouette qui tourne ?
Certains persiflent en affirmant que le personnage viserait essentiellement la rue de Valois, et qu’il lui faut donc s’atteler, au plus tôt, à la bonne  locomotive. D’où quelques hésitations sur la trajectoire. Comment peut-on contribuer à diffuser de telles rumeurs ! Persifler avec les loups, nous ? Jamais !

Le militantisme politique, comme l’art de l’acteur, est affaire de solidarité et non de solitude. N’est-il pas ?



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