Et la culture, bordel !
1/ Allez ! On se lâche ! On parle populaire, comme notre Grand Timonier. C’est la mode « Radio Bistrot ». Même Libération s’y met. En première page, notre journal officiel des soixante-huitards – dont nous sommes - titre « Péril en la culture », pour évoquer le modeste malaise qui vibrionne dans nos milieux. Qu’on en juge : depuis octobre dernier, quelques olibrius – dont votre serviteur – se croient investis de la responsabilité citoyenne d’adresser à la ministre de la culture (du moins, ce qu’il en reste !) une «contrelettre de mission» républicaine qui ne cesse d’additionner les signatures (plus de 1200 à ce jour). A Nantes, les BIS (Biennales internationales du spectacle) ont rassemblé plus de 8000 personnes, on ne me fera pas croire qu’elle venaient là uniquement pour un verre de Gros Plan et quelques huîtres offertes par le Conseil général de Loire-Atlantique. Cette affluence était, aussi, le signe d’une inquiétude profonde. Il y a peu, les milieux du cinéma se rassemblaient pour alerter le monde sur les coupes sombres opérées partout en France, sur les Festivals et les actions culturelles d’éducation à l’image. Plus récemment, les metteurs en scène du théâtre public français – ceux-là mêmes qui, pour une grande part, se tirent dans les pattes à longueur d’année – s’offraient un remake de l’Odéon et de Villeurbanne 68 réunis : une grande photo de famille sur les marches du théâtre de France et un coup de gueule généralisé sur la baisse des crédits, la torture du garrot et l’enterrement de la politique culturelle de l’Etat. Hier encore, aux marches du Palais (Royal), quelques centaines d’artistes et groupements professionnels tentaient de manifester leur colère et leur indignation sous forme d’un «culturethon» qui fit dix secondes au journal télévisé de 23 heures ! Il est vrai qu’un 29 février, en pleines vacances scolaires et avec seulement quelques jours de préparation, la puissance de l’événement ne risquait pas d’ébranler le Château ! La ministre de la culture, toujours aussi à l’aise devant les caméras, convoque quelques journalistes pour réaffirmer que « l’Etat ne se désengage pas ». Le Premier ministre – souvenez-vous, celui qui habite à Matignon... mais oui, avec une mèche de cheveux, vous voyez qui je veux dire ? – rappelle que tout le monde, même les cultureux, doit participer à la réduction de la dette publique. Fermez le ban ! Circulez, il n’y a plus rien à voir ! Les municipales, c’est dans huit jours.
2/ Et pendant ce temps-là, on apprend que DGS – non, ce n’est pas une marque de voiture mais le diminutif de Denis Gauthier Sauvagnac du MEDEF – s’est fait mettre à la retraite avec seulement 1,5 millions d’euros d’indemnité de départ (non imposable ?) mais reste délégué de son syndicat avec le modeste salaire de 20 000 euros par mois ! Une misère ! Rappelons que ce monsieur est bien connu des milieux du spectacle vivant, c’est lui qui a conduit pour le MEDEF toutes les négociations concernant les intermittents du spectacle. Merci DGS, si vous avez vos 507 heures en 10 mois, vous pourrez toujours pointer à la caisse des artistes !
3 / On apprend aussi, c’est sans doute un symbole, la disparition d’Hubert Gignoux, qui fut marionnettiste, comédien, metteur en scène, directeur du Théâtre national de Strasbourg, grande figure de la décentralisation théâtrale française. Il a publié en 1984 une autobiographie magistrale : « Histoire d’une famille théâtrale » (L’Aire éditeur) qui reste, pour moi, le livre le plus intéressant sur l’histoire de la décentralisation dans notre pays, remarquablement écrit ce qui ne gâche rien. Quelques années plus tard, nous avions réussi à republier cet ouvrage alors que j’étais directeur de l’ANRAT. Je ne sais s’il en reste en circulation. Hubert Gignoux m’avait écrit sa reconnaissance profonde pour ce geste qui me semblait indispensable. Il doit m’en rester quelques exemplaires. Je vais en envoyer un à la ministre de la culture !
4/ A propos... les gazettes bruissent de remaniement ministériels. Bien entendu, Mme Albanel se trouve sur un siège éjectable (comme d’autres sans doute), faute d’une présence suffisamment convaincante dans les médias, accusée d’incompétence, d’illégitimité, de manque de souffle, de poids politique insuffisant pour défendre un budget acceptable par les « professionnels de la profession » Soit ! Mais gare à la suite ! Imagine-t-on un instant que sa (son) remplaçante pourrait être pire ? Chargé(e) de mettre au pas, définitivement, un milieu jamais satisfait du sort qui lui est fait ? Je crois cette hypothèse très probable. Cela dépendra, un peu, du résultat des municipales mais surtout de la nature du rapport de forces qui pourrait s’établir entre l’Etat et les milieux culturels. Que celui-ci ne porte que sur les moyens financiers, à dimension fortement corporatiste (« à la manière des chauffeurs de taxis » dirait Ariane Mnouchkine), sans débat véritable sur le fond, alors le risque sera grand d’une tension plus vive et d’une incompréhension de « l’opinion ». Un boulevard pour que se poursuive la politique mise en œuvre. A suivre !
5/ En vérité, comment ne pas voir que le « milieu » s’est lui-même, pour une grande part, affaiblit au fil des années en refusant une réflexion profonde sur l’adaptation indispensable de son discours, de ses pratiques, de son évaluation (que l’on ne confondra pas avec le simplisme du « résultat ») ? Le chaos qui s’annonce – et qui se poursuivra, j’en fais le pari – est d’abord dû à l’inexistence d’un diagnostic partagé sur l’évolution de notre société, la balkanisation du champ artistique et culturel, le relativisme induit par le développement considérable de l’offre – tout est égal à tout, donc rien ne vaut plus rien ! – et le peu de travail sur la distinction, l’éducation et la médiation (que l’on nous déverse aujourd’hui sous forme « d’histoire des arts » de la maternelle à l’université, de quoi écoeurer des générations entières si cela demeure une pédagogie magistrale et théorique, ce qui est à craindre !) Bref, la « refondation » reste à imaginer et à mettre en œuvre. Un livre peut aider à comprendre quelques éléments : « Culture et société : un lien à recomposer » sous la direction de Jean-Pierre Saez (Editions de l’Attribut). Il prolonge une série de rencontres organisées par le Conseil général de Loire-Atlantique, le même qui offrait des huîtres et du Gros Plan à Nantes ! Bonne lecture !
2/ Et pendant ce temps-là, on apprend que DGS – non, ce n’est pas une marque de voiture mais le diminutif de Denis Gauthier Sauvagnac du MEDEF – s’est fait mettre à la retraite avec seulement 1,5 millions d’euros d’indemnité de départ (non imposable ?) mais reste délégué de son syndicat avec le modeste salaire de 20 000 euros par mois ! Une misère ! Rappelons que ce monsieur est bien connu des milieux du spectacle vivant, c’est lui qui a conduit pour le MEDEF toutes les négociations concernant les intermittents du spectacle. Merci DGS, si vous avez vos 507 heures en 10 mois, vous pourrez toujours pointer à la caisse des artistes !
3 / On apprend aussi, c’est sans doute un symbole, la disparition d’Hubert Gignoux, qui fut marionnettiste, comédien, metteur en scène, directeur du Théâtre national de Strasbourg, grande figure de la décentralisation théâtrale française. Il a publié en 1984 une autobiographie magistrale : « Histoire d’une famille théâtrale » (L’Aire éditeur) qui reste, pour moi, le livre le plus intéressant sur l’histoire de la décentralisation dans notre pays, remarquablement écrit ce qui ne gâche rien. Quelques années plus tard, nous avions réussi à republier cet ouvrage alors que j’étais directeur de l’ANRAT. Je ne sais s’il en reste en circulation. Hubert Gignoux m’avait écrit sa reconnaissance profonde pour ce geste qui me semblait indispensable. Il doit m’en rester quelques exemplaires. Je vais en envoyer un à la ministre de la culture !
4/ A propos... les gazettes bruissent de remaniement ministériels. Bien entendu, Mme Albanel se trouve sur un siège éjectable (comme d’autres sans doute), faute d’une présence suffisamment convaincante dans les médias, accusée d’incompétence, d’illégitimité, de manque de souffle, de poids politique insuffisant pour défendre un budget acceptable par les « professionnels de la profession » Soit ! Mais gare à la suite ! Imagine-t-on un instant que sa (son) remplaçante pourrait être pire ? Chargé(e) de mettre au pas, définitivement, un milieu jamais satisfait du sort qui lui est fait ? Je crois cette hypothèse très probable. Cela dépendra, un peu, du résultat des municipales mais surtout de la nature du rapport de forces qui pourrait s’établir entre l’Etat et les milieux culturels. Que celui-ci ne porte que sur les moyens financiers, à dimension fortement corporatiste (« à la manière des chauffeurs de taxis » dirait Ariane Mnouchkine), sans débat véritable sur le fond, alors le risque sera grand d’une tension plus vive et d’une incompréhension de « l’opinion ». Un boulevard pour que se poursuive la politique mise en œuvre. A suivre !
5/ En vérité, comment ne pas voir que le « milieu » s’est lui-même, pour une grande part, affaiblit au fil des années en refusant une réflexion profonde sur l’adaptation indispensable de son discours, de ses pratiques, de son évaluation (que l’on ne confondra pas avec le simplisme du « résultat ») ? Le chaos qui s’annonce – et qui se poursuivra, j’en fais le pari – est d’abord dû à l’inexistence d’un diagnostic partagé sur l’évolution de notre société, la balkanisation du champ artistique et culturel, le relativisme induit par le développement considérable de l’offre – tout est égal à tout, donc rien ne vaut plus rien ! – et le peu de travail sur la distinction, l’éducation et la médiation (que l’on nous déverse aujourd’hui sous forme « d’histoire des arts » de la maternelle à l’université, de quoi écoeurer des générations entières si cela demeure une pédagogie magistrale et théorique, ce qui est à craindre !) Bref, la « refondation » reste à imaginer et à mettre en œuvre. Un livre peut aider à comprendre quelques éléments : « Culture et société : un lien à recomposer » sous la direction de Jean-Pierre Saez (Editions de l’Attribut). Il prolonge une série de rencontres organisées par le Conseil général de Loire-Atlantique, le même qui offrait des huîtres et du Gros Plan à Nantes ! Bonne lecture !