Censure ?
Prix de l'Education: le ministère refuse d'éditer le film primé à Cannes
Le ministère de l'Education a refusé d'éditer à destination des collégiens et lycéens des DVD du film "4 mois, 3 semaines, 2 jours", Palme d'Or à Cannes et lauréat du Prix de l'Education, le jugeant trop "dur", mais des réalisateurs dénonçent vendredi des "pressions d'associations anti-avortement".
PARIS (AFP) - 06 juillet 2007 | 23H13
Signé par Cristian Mungiu, "4 mois, 3 semaines, 2 jours", un drame puissant et cru sur les avortements clandestins dans la Roumanie de Ceausescu, a aussi reçu le prix de la critique au dernier Festival de Cannes.
Selon la Société des réalisateurs de films (SRF), le ministre de l’Education nationale Xavier Darcos a décidé d'"interdire la fabrication et la diffusion du DVD-Rom" du film en milieu scolaire "à la suite de pressions d’associations anti-avortement".
Décerné le 27 mai par un jury présidé par la comédienne Bernadette Lafont et composé de six enseignants et deux étudiants, le Prix de l'Education nationale récompense, depuis 2003, à un film en sélection officielle à Cannes, choisi pour ses qualités artistiques et son intérêt pédagogique.
Celui-ci bénéficie alors de la création et de la diffusion en milieu scolaire d’un DVD-rom pédagogique édité à 1.500 exemplaires, ce qui ne sera pas le cas cette année pour "4 mois, 3 semaines, 2 jours".
Interrogé par l'AFP, Nicolas Boudot, conseiller technique au cabinet de M. Darcos, a confirmé une décision prise au ministère "après le visionnage du film, huit jours après la remise du prix, par une vingtaine de membres du cabinet", a-t-il dit, justifiant celle-ci par la "duret" de l'oeuvre.
"Nous avons jugé les images dures" a affirmé M. Boudot, "le film est potentiellement choquant et destabilisant pour des élèves ayant entre 11 et 18 ans". "Nous ne voulons pas que des élèves puissent être troublés par un film produit par l'Education nationale", a-t-il ajouté, réfutant toute pression extérieure.
Dans un courrier daté du 2 juillet dont l'AFP a obtenu copie, le directeur du cabinet du ministre, Philippe Court, invoque "le principe de précaution", ne jugeant "pas souhaitable" la diffusion du film "dans les classes, par le réseau des centres régionaux de documentation pédagogique".
La lettre, adressée à Christine Juppé-Leblond, inspectrice générale en charge du cinéma et de l'audiovisuel, invite celle-ci à veiller à ce que le jury récompense, à l'avenir, des films adaptés "à une diffusion auprès de l'ensemble des élèves de collèges et de lycées".
Un avis qui fait débat au ministère, où certains estiment au contraire que le film "ne présente aucun risque pour le public adolescent" qu'il invite à une "prise de conscience sur un sujet qui peut et doit être abordé sans détour".
Fin mai, l'association anti-avortement Choisir la vie avait dénoncé, dans un communiqué intitulé "La culture de mort récompensée à Cannes" une "véritable propagande pro-avortement et un danger pour les enfants scolarisés". L'association affirmait son "opposition ferme à voir diffuser un tel film dans les établissements scolaires français".
Le premier Prix de l'éducation était allé en 2003 à "Elephant" de Gus Van Sant, et l'avant-dernier, en 2006 à "Marie-Antoinette" de Sofia Coppola.